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 Une si sordide solitude

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Aisling
Aisling


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Une si sordide solitude SO3wa93 Messages : 54
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Shadow Dancer

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Mar 16 Fév - 18:06
Une si sordide Solitude;
« Et la plaie béante s'effrite sous les coups répétés de mon cœur. »

Ça ne faisait que quelques jours qu'elle se permettait de se rendre plus loin que son antre, quelques jours à peine qu'elle pouvait continuer à chercher, à analyser, à faire autre chose que de rester dans son lit à boire antidote après antidote, reprenant ses sens, guérissant une blessure qui ne pouvait être entièrement guérie par même la plus puissante de ses potions de guérison. Qu'importe quel poison Crochet avait utilisé, elle devrait y retourner, l'étudier : un tel atout pourrait sauver sa vie, en damner une autre.

La blessure avait été plus grave qu'elle ne l'aurait pensé et sa survie s'avérait à être sur un coup de chance, et seulement de la chance. À l'endroit où la dague de Crochet s'était introduite, il avait été à deux doigts de percer un organe vital. Un peu plus et elle se serait vidée de son sang en quelques secondes, mourant sur le coup du choc. Le poison avait servi à stagner la progression du sang, et, ironiquement, avait fait durer sa souffrance plus longtemps, la plongeant dans une démence plus grande encore. Les heures passées sous le tipi lui étaient toutes aussi floues que les paroles échangées avec Noctis avant de s'y rendre, ou même après, où ils avaient finalement regagné son antre. Le seul élément qui était demeuré était sa panique; ses mains sur son ventre, la pression, puis le vide.

Le vide alors qu'elle se retrouvait chez elle, une potion de Lumière à ses lèvres, la douleur insupportable. Le vide alors qu'elle s'éveillait enfin, capable de marcher, de fonctionner.

Et les heures s'étaient changées en jour, et les jours en semaines, interminables, où son esprit n'avait cessé de faire des va-et-vient pour expliquer, exprimer la situation, la retourner dans tous les sens. Il l'avait suivi. Certes, il l'avait suivi et elle n'avait pu mener à bien ses recherches comme elle l'aurait voulu. S'il n'avait pas été là, rien ne se serait produit de cette manière. Elle n'aurait pas été prise au lit pendant des semaines entières à cracher du sang, à se demander comment cette blessure avait pris tant de mal à guérir et comment, comment il avait pu être aussi sot, aussi inconscient.

Et il était temps d'aller chercher ses réponses, de lui signifier à quel point la situation la frustrait et à quel point sa non-présence s'était douloureusement fait ressentir.

C'est ainsi qu'elle était sortie, en pleine possession de ses moyens : en quelques pas de danse, elle se retrouvait au coin d'une ruelle et s'aventurait près du port, dans la taverne.

La violence avec laquelle la porte avait claqué contre le mur de la taverne faisait encore écho dans l'établissement au moment où le silence s'imbibe au cœur de l'atmosphère jadis empreinte d'une ambiance cacophonique. Les conversations s'étaient stoppées un instant, la curiosité s'inscrivant dans les visages des matelots friands de confrontations diverses, surtout en état d'ébriété comme la plupart semblaient l'être. Plusieurs portent alors leur attention sur la silhouette féminine qui faisait son d'entrée et qui, déjà, après un court regard sur l'ensemble des gens présents, avec un pas assuré, marchait à son but. Un, deux battements, un clignement d'œil.

Ils sont vites à retourner à leurs affaires, à leurs discussions et à leurs chopes de bière, ignorant maintenant celle qui arrive à se faufiler sans bruit dans le vacarme sans plus attirer d'attention. Son regard foudroie tous ceux qui osent la dévisager, d'une façon telle qu'ils se retournent, intimidés par sa prestance hautaine et par un sentiment désagréable leur passant par l'échine. S'il n'est pas rare de voir des filles de joie entrer dans une taverne, elle n'en est certainement pas une et de croire le contraire pourrait être la pire erreur commise. Et tout en elle – sa grâce, son pas, l'air grave de son visage, la tension de ses épaules – appelle à une confrontation, à une réplique tranchante, à une mort subite.

Ici, elle n'est qu'une habitante parmi tant d'autres – une qui maintient une apparence beaucoup plus soignée que la plupart, certes, et dont le mystère s'immisce dans sa personne par ses cheveux souvent cachés d'un capuchon dont l'ombre dissimule aussi son regard opalescent. Personne ne sait que devant eux se tient l'illustre Dame de Brume, l'assassine qui, depuis près de neuf ans, déjà, alimentent les légendes des pirates de Tortuga jusqu'aux matelots de Port-Royal. Ils le soupçonnent pas qu'elle est celle qui frappe sans bruit, alliée aux ombres des ruelles et des voiles, laissant à son passage une brume diaphane aux propriétés si magiques qu'elles ne peuvent s'évanouir.

Elle n'aime pas les tavernes. Elle n'aime pas l'odeur d'alcool qui plane dans l'atmosphère en entier, dans les vêtements des hommes comme des femmes, dans l'haleine chaude des marins – un mélange désagréable de sueur, d'alcool et d'air salin s'infiltre dans ses narines et elle ne peut retenir une grimace de dégout alors qu'elle s'infiltre plus loin encore.

Sa main frôle une de ses poches, laissant glisser dans celle-ci une dague à l'allure travaillée et tranchante. En une fraction de seconde, jaillissant du vide, sa silhouette émerge à la table entre deux hommes, le bruit sourd de l'arme se plantant au creux du bois, pénétrant une carte lancée vers un des joueurs dans un mouvement expert. Devant elle se tient sa cible, trop concentrée sur cette partie de cartes pour l'avoir remarqué. Oh, et comment pourrait-il l'avoir remarqué après des semaines sans nouvelles?  Son regard s'accroche au sien et son air impitoyable ne ment pas.

Aisling est en colère.

Et cette colère, fulminante, bouillante, imbibe ses veines et anime dans l'opale de ses yeux une tempête plus redoutable et plus ténébreuse encore que Calypso aurait pu orchestrer.

Le Bal venait de commencer, et elle entamait, comme l'Élite Solaire, la première danse.

▬ Je suis terriblement désolée d'interrompre votre partie, messieurs, mais, voyez-vous, j'ai quelques mots à dire à cet incapable. ▬ I am terribly sorry to interrupt your game, gentlemen, but I have a score to settle with this foolish ignoramus.


Le ton de sa voix était à peine audible dans le brouhaha de la taverne, de telle sorte à ce que ça ne soit que la table concernée qui puisse l'entendre. Son timbre s'était fait menaçant, un grognement, presque – un tonnerre distant annonçant une tempête. La dernière lettre avait été sifflée, venimeuse,  et ses lèvres étaient maintenant pincées, son air sévère. Aisling ne lâchait pas son regard, ses yeux seulement visibles à l'extrémité de son capuchon. Oh, il ne savait pas ce qui l'attendait.

Les autres ne semblent pas savoir non plus. Ils sont indifférents au danger que représente cette femme armée venant d'interrompre leur si précieuse partie de cartes – c'est bien une femme, après tout, quel danger pourrait-elle représenter? L'un d'eux, furibond, se lève de son siège, ses mains sales sur la table.

▬ Hey, tu t'prends pour qui, toé?! M'a t'montr—▬ Hey, who d'you think y'are? I'll sho—


Sa voix est forte, agaçante. Un mouvement sec de sa tête alors qu'elle toise celui qui a osé l'interrompre dans sa lancée, son regard se détournant pendant une fraction de seconde de sa cible. La dague déjà entre ses mains se retire promptement de la surface de bois, et, dans un mouvement circulaire et machinal, se voit propulsée droit dans le cœur du matelot.

Le silence fuse de nouveau. La Danseuse des Ombres toise avec dégout le sang imbiber les vêtements de l'homme alors que les gargouillis s'estompent, que sa respiration cesse. Quel gâchis. Comme si la taverne n'était pas assez sale comme ça; il fallait qu'elle vienne briser ses principes de propreté afin de montrer l'exemple. Quelle tristesse d'avoir gaspillé un si puissant poison pour une blessure fatale – surtout un poison de ce genre, dont la fonction est principalement de poser la victime dans une souffrance intense avant sa mort. Il n'aura même pas crié.

Cri ou non, cependant, cette scène laisse une impression sur l'entièreté de la taverne, qui est maintenant animée d'un silence de mort : même le tavernier, d'habitude catégorique, n'ose bouger, une chope encore humide entre ses mains.

▬ Quelqu'un d'autre ressent le besoin de s'interposer?▬ Anyone else wishes to interfere?


D'après le regard des matelots environnants, il était clair qu'aucun ne souhaitait être à la place du malheureux se tenant devant elle.

▬ Bien. C'est ce que je pensais. Où en étais-je?▬ Good. That's what I thought. Now, where was I?


Sans sourciller, dans un gracieux mouvement circulaire, elle se retourne vers lui, le regard flamboyant d'une haine profonde, d'un désir étanche et glacial. Elle étudie son visage pour une fraction de seconde, ses iris se portant sur son air, ses yeux, ses lèvres, son sourire, pour enfin revenir à  son regard.

Oh, certainement qu'il ne faisait que se jouer d'elle, que son silence n'était rien de plus que par un amusement bien plus grand encore : il adorait la voir dans cet état, se délectait de son air, de ses manières, et cette simple pensée ne faisait qu'ajouter de l'huile sur le feu de sa colère. Ses dents se serrent. Sèchement, elle reprend sa dague du cadavre de l'homme d'un mouvement de revers, la pointant au cou de l'intéressé.

▬ Et pensais-tu encore m'éviter durant des semaines entières? Pensais-tu que j'allais simplement oublier  ta maladresse, que j'oublierais à quel point tes arlequinades auraient pu causer ma mort? Et tu oses partir sans dire mot, sans…▬ Did you really think you could go on and ignore me for weeks? Did you think I would simply forget how clumsy you were; that I would forget how your espiegleries could have caused me to die? And you dare run off, without saying a word, without even…


Les mots se jettent dans sa gorge et dansent sur sa langue, se perdent, ne passent pas la barrière de ses lèvres. Sans détourner le regard, sa tête se tourne légèrement vers la gauche, la dague toujours bien droite contre sa jugulaire, sa poigne solide. Elle ne peut pas le laisser partir sans rien dire, et pourtant, pourtant…

Ses lèvres se pincent et elle ravale sa salive, oubliant sa gorge qui se serre. Et sa voix se veut toujours aussi menaçante, toujours aussi venimeuse, alors que la dernière phrase fuse dans l'atmosphère.

▬ Ne crois pas t'en sortir par une autre plaisanterie; je ne plaisante plus.▬ Don't believe you will get away with any pleasantry. I am done playing your game.


C'est fini. C'est fini, Noctis. Je ne plaisante plus. Je ne veux plus jouer à ton jeu. C'est trop, cette fois.

Les mots s'évadent et la pression augmente.
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Noctis
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Mer 17 Fév - 14:30
Une si sordide Solitude.
« Endgame. »


Dans ce monde, certains individus arrivent à posséder d’honnêtes dispositions. Lorsqu’ils commettent une faute, ils s’en excusent, cherchent un moyen de s’en racheter, de se repentir. Comme ils sont sages, bien dressés. Des hommes de foi, peut-être. Des hommes de confiance, surtout. Je n’aurais pas l’arrogance de penser vous surprendre en disant que je n’étais pas de ceux-là. J’avais déjà fait tant de choses, de toute façon. J’avais depuis longtemps passé le stade où de simples mots suffiraient. Au lieu de cela, j’avais pris le parti d’oublier ce que je ne pouvais modifier. Vous pouvez m’appeler un lâche, vous auriez à coup sûr raison. À quoi bon m’en cacher, de toute façon? Il est trop tard pour que je change. Ma vie appartient au passé, mon futur est déjà condamné. En attendant, autant aller parier un peu d’argent dans une taverne, juste de quoi acheter une bouteille de rhum de plus. Une attitude détestable? Qu'est-ce que vous espériez? Ce niveau de naïveté fait pitié, véritablement. Pourtant ce n’est pas un secret. Je n’étais pas allé la voir depuis de longues semaines, je ne comptais même pas le faire. Après ce que je venais de lui infliger, après ce que ma présence lui avait fait subir une fois de plus, cela me semblait préférable. Ce dont elle avait besoin, c’était de repos. D’être débarrassé de moi, ne serait-ce que pour deux ou trois mois. D’autant plus qu’il y avait eu cette rencontre. Un adolescent aux cheveux aussi pâles que les miens, autrefois. Je n’avais pas réussi à lui soutirer son nom ou même ce qui l’avait poussé à voyager jusqu’à Port-Royal, mais ces quelques minutes m’avaient amplement suffi. Il y avait l'éventualité que ma position soit connue. Si j’étais suivi ou que l’on revenait à ma rencontre, je devais être aussi loin d’Aisling que possible. La logique aurait probablement voulu que, pour se faire, je change de monde, mais pareille conduite n’en aurait été que plus suspecte. La bonne réponse était un équilibre des deux. Voilà donc ce à quoi j’employais mon temps.

J’avais pris ma place préférée, dos au mur, juste au bon endroit pour voir la salle autant que faire se peut. Sans doute une vieille habitude d’assassin, ne désirant pas laisser quelqu’un se glisser derrière moi. J’étais, comme lors de chaque partie, profondément concentré. Je me devais de maintenir un réseau complexe d’illusions, sans laisser m’échapper le fil. Ma chevelure blanche, ses reflets dans l’ambiance feutrée de la taverne. Le jeu de mes trois voisins, demandant une précision d’artiste et un comptage minutieux des cartes. Quelques changements dans les traits de mon visage, deux ou trois autres mineurs détails esthétiques qui, parfois, allaient et venaient au gré de ma concentration. Quelle importance, l’alcool leur donnerait sans doute l’impression d’un jeu de lumière. J’étais probablement le seul, ici, à boire avec une certaine modération. La bouteille était accessoire plus que bouée. Une porte claqua dans le lointain et mes compagnons tournèrent la tête, après quoi je les ramenai à moi d’un claquement de doigts impérieux. Qu’importe si des pirates de bas étage se plaisaient à faire une entrée remarquée, je travaillais. L’équilibre était primordial et la moindre intervention extérieure, le moindre mouvement que je n’avais pas anticipé, suffirait à tout faire tomber tel un fragile château de cartes. Que l’ignorance est bénie. Comme j’étais heureux, lorsque j’étais encore convaincu que ma plus grande préoccupation était d’empêcher mes camarades de jeu de réaliser que je trichais sans vergogne. Je tendis la main pour attraper une nouvelle carte pour me stopper dans mon élan, juste à temps. Une dague venait de frôler mon doigt, décapitant mon roi de carreau avec animosité. Voilà qui n’était pas prévu.

Relevant mon regard doré, j’eus tôt fait de découvrir l’identité de la trouble-fête. Droite comme le mat d’un navire, plantée entre deux joueurs, la Dame de Brume me toisait. Je clignai des yeux, comme incertain. L’avais-je imaginée? Étais-je en train de me tromper sans le vouloir? Non, sa présence n’était pas un mirage et cette simple réalisation suffit à me faire perdre prise. Toutes les cartes, d’un seul coup. Je les sentis m’échapper, je sentis l’illusion se lever tel un voile dans le vent. Ne restait plus que mon apparence, ce masque éternel que j’avais appris à maintenir aussi facilement que je respirais. Encore heureux que les marins soient trop occupés à dévisager Aisling pour remarquer la fin de la supercherie. Que dis-je, j’étais en présence de problèmes bien plus graves. La femme désirait me parler, me gratifiant au passage d’incapable. Il n’y avait rien de foncièrement alarmant en ses termes, j’avais l’habitude maintenant, mais sa présence suffisait à m’inquiéter. Avait-elle aussi reçu une visite inopportune? Savait-elle que nous, ou à tout le moins que j’étais recherché? Elle ne semblait plus souffrir d’aucune affliction physique, mais cela n’excluait en rien une agression potentielle, repoussée par les talents meurtriers de mon enseignante de jadis. Plongé dans mes réflexions, je ne fis rien pour retenir cet imbécile qui crut bon de s’opposer à l’empoisonneuse. Un arnaqué de moins à qui rendre son argent, je suppose. Toujours en contrôle, l’ombre blanche mis au défi quiconque de s’essayer à la freiner et, de mon côté de future victime tentant de dissimuler son inquiétude, je ne trouvai qu’à passer mon petit commentaire maison. Une demande timide, presque toute innocente.

▬ S’il vous plait? Personne?

Pas d’autres suicidaires dans l’assistance, dommage. Nos regards se retrouvèrent sans effort, connaissant le chemin par cœur, comme une vieille mélodie chantée trop souvent. C’est bien sur moi qu’est dirigée sa fureur, c’est par ma faute que la haine l’habite et la motive. Si ce n’est que ça, je peux encore m’en accommoder, me dis-je en esquissant un sourire presque soulagé. Si son ignorance n'était pas brisée, je n’avais pas de raisons de m’en faire plus qu’à l’habitude. Je pouvais bien l'observer fulminer, la regarder fantasmer ma mort, ce ne serait rien de plus qu’un désir puissant, mais qu’elle serait incapable d’assouvir. Une fois de plus, je pourrais admirer ses aléas avec tout le confort d’un spectateur, assis au premier rang. Je pourrais me délecter de ses passions meurtrières, réservées exclusivement à ma personne. Un rappel de ce que j’avais fait, de ce que je méritais, de toutes ces blessures que j’avais creusées en sa chair. Sa simple posture m'évoquait tout ce que j’avais mis hors de ma portée, tout ce que j’avais perdu en mes actes irréparables du passé. Tant mieux. Je préférais la voir ainsi, la voir vivante, la voir en colère et la voir aussi loin de moi que possible. S’il en eut été autrement, j’aurais pu la briser par mégarde. Mais me serais-je trompé? N’est-ce pas une dague ruisselante de sang qu’elle pointe vers mon cou? Ses mots coulent en torrent, reproches et vérités froides et souffrantes. Mes iris de miel, plongés dans ses opales, désolant silencieusement toute la douleur qui y passe. Avais-je osé m'imaginer l’éviter encore de longues semaines? C’était l’idée, oui. Si je pensais qu’elle oublierait ma maladresse? Si ma condamnation ne reposait que sur ces accusations-là, la danseuse serait bien déçue en apprenant toutes les raisons qu’elle avait de me pendre. Partir sans dire un mot? Alors quoi? Qu’aurait-elle voulu que je fasse?

▬ Est-il trop tard pour apporter des fleurs?

La lame venant se coller à ma jugulaire m’affirma que oui, j’avais raté ma chance. La poigne est solide, l’hésitation ne semble même pas la tenailler. Elle va le faire, elle veut le faire. Je croyais, tout ce temps, que ça ne me ferait rien. Que je serais serein, quand arriverait le moment, lorsqu’elle comprendrait enfin et qu’elle se débarrasserait de moi. Je m'imaginais prêt à trépasser de la main de la Dame de Brume depuis des années, mais mon cœur n’en était pas moins serré. Mon regard s’éteignit doucement, telles des braises mourant lentement, oubliées au plus profond de la nuit. Ses dernières paroles furent comme la poignée de sable, étouffant tout espoir de raviver la flamme. Le jeu était terminé. Fort bien. Faisant glisser la chaise derrière moi, je me redressai de toute ma hauteur afin de lui faire face dignement. Mes ultimes illusions se dissipèrent, laissant mes lambeaux d’ébène se révéler à notre auditoire à la fois curieux et terrifié. Mes traits semblèrent vieillir, ma barbe de quelques jours s’évanouir dans l’air et une cicatrice au sourcil droit refit son apparition. Si c’est la vérité que ma moitié me réclame, je la lui donnerai. Je me tiendrai face à elle sans ciller, sans craindre la mort que j’ai maintes fois méritée, sans jamais pouvoir l’embrasser vraiment. Une valse d’esquives et de frôlements, semblables à ce lien qui m’unit à Aisling. Combien de fois ai-je péri pour seulement renaître? Beaucoup trop.

▬ Fais-le. Si tu es celle qui m’offre la mort, peut-être n’en reviendrai-je pas cette fois. Peut-être pourrai-je reposer en paix. Ansam…

Si je meurs en tes bras, c’est moi qui aurai gagné.
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Aisling
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Mar 1 Mar - 1:44
Une si sordide Solitude;
« Et la plaie béante s'effrite sous les coups répétés de mon cœur. »


De ses simples paroles prononcées, elle est venue sonner le glas de la plaisanterie, d'une hantise qui fut trop présente, trop réelle, d'une présence qu'elle aurait aimé quitter comme elle aurait voulu ne jamais s'en séparer. Et alors que la dague est toujours là, bien droite, ce n'est pas une once d'hésitation qu'elle voit dans les yeux de son interlocuteur alors qu'ils s'éteignent, s'évadant avec aise de son regard tentant en vain de percer son âme. Aisling est gardée dans les ombres, sans grande surprise, et elle sait pertinemment que la réponse qui viendra sera imprévisible, car si elle a une certitude quant à son comportement, c'est que celui-ci demeure incertain; une énigme constante et contraignante.

Oh, et tout se fige, car le temps se suspend au moment où cette dernière réplique fuse, un arrêt accablant tirant ses entrailles encore bouillantes d'une rage propice à l'explosion, et, soudainement, d'appréhension. Pourquoi sa réplique ne vient-elle pas? Pourquoi son sourire ne revient-il pas sur son visage comme il l'a si souvent fait? Parce que tu ne joues plus, tu ne joues plus et il le sait, il le sait et pour une fois qu'il semble t'écouter, ton monde entier se chamboule et se brise.

Sa tête éclate, la sensation du verre s'écrasant au sol alors qu'il se lève finalement, sans un mot, son regard fixé sur le sien alors que tout se transforme.

Un battement saute et elle sent son souffle se glacer soudainement. Noctis vieillit devant son regard soudain hésitant, en cascades tombant une illusion qui lui avait semblé si réelle des années durant, un noir d'encre recouvrant la fine étincelle blanchâtre subsistant de sa chevelure. Et elle en prend conscience: elle prend conscience que rien ne va plus.

Et son cœur s'enfonce dans sa poitrine, quand elle s'entend murmurer au bout de son souffle. Que t'est-il arrivé? semble dire son regard soudainement si déconcerté; une mère regardant son enfant après un accident, une si profonde inquiétude s'immisçant dans ses veines en ondes de choc par deux, trois bouffées.

N'était-ce pas cependant ce qu'elle était venue chercher? N'était-ce pas des réponses qu'elle avait espéré lui retirer depuis si longtemps, depuis des semaines entières, non – depuis des mois, des années? N'avait-elle pas méprisé de toute son âme ces parcelles de lui qu'il lui avait si bien cachées derrière une énième remarque empreinte de sarcasme, derrière un nouveau sourire narquois?

Il n'avait jamais été celui qu'il prétendait être. Elle l'avait toujours su, au plus profond de son être; alors pourquoi était-elle si surprise maintenant qu'il se révélait à elle sans plus d'artifices?

Il est grand, Noctis. Il est grand et dans sa grandeur il se tient droit, solennel devant la mort qu'elle lui annonce de la dague qui a suivi le mouvement dans sa main maintenant tremblante. Fais-le, dit-il, d'une voix qui ne tremble pas, acceptant sans sourciller son sort. Et l'onde de choc parcourt à nouveau son corps alors qu'elle expire, ses lèvres serrées, l'air qu'elle retenait depuis quelques secondes déjà.

Fais-le. Fais-le. Fais-le.

Depuis le début il a évité la mort par tes mains. Depuis le début, tu as été celle qui a tenu sa vie par un fil. Depuis le premier jour où vous vous êtes rencontrés, tu as été maître de sa vie, parmi ceux qui ont méprisé ton choix, parmi ceux qui voulaient encore sa mort. Tu as été celle qui a réussi à les convaincre du contraire, que son existence valait la peine parmi ceux qui ne savaient que tuer. Assassine, certes, mais sage avant tout, tu as su être son guide comme tu l'as été pour eux, assassine qui, tempérée, savait choisir sa cible, une cible qui le méritait.

Et il ne le méritait pas, pas pour seulement avoir été inconscient, idiot. Il ne méritait pas la mort, seulement ses remontrances, mais cette ultime demande effleurait effroyablement sa conscience : pourquoi voulait-il tant mourir?

Tout cela ne pouvait être une nouvelle provocation, et pourtant, elle sentait en elle la rage bouillir ses veines, en effervescence contre ses pores. Pourquoi? Pourquoi?

L'incertitude, d'un claquement de doigt, s'évade de ses yeux qui percent les siens, avec une intensité nouvelle. Elle ne se laissera pas avoir.

Non.

C'est assez.

Alors elle inspire, sa dague encore droite et sa poigne plus solide, sa tête se tournant légèrement alors que son regard le fixe toujours, j'en ai assez, l'opale perce le vide avec une intensité démesurée j'en peux plus et elle sent son cœur se serrer ses poumons se cristalliser sa gorge s'envenimer ça suffit alors que sa main libre parcourt sa chevelure de neige et s'empare de ses mèches outre son capuchon et les empoignent et les serre.

Et elle le fixe alors qu'elle sent les ténèbres les Ténèbres qui l'enveniment qui l'aspirent qui la chavirent qui la tue qui la remplissent de haine, de haine de mépris sans canaliser la crise la colère.

Elle ne veut plus être une poupée entre ses mains elle ne veut plus se retrouver manipulée contre sa guise car elle sait elle sait que c'est tout ce qu'il lui fait c'est exactement ce qu'il lui fait toujours il revient seulement pour la voir danser autour de lui se tirailler entre la souffrance et la joie la haine et l'amour le désir et le mépris et elle en a assez elle n'en peut plus.

Aisling souffre et s'enflamme et la pression s'intensifie, bloque sa gorge à nouveau avant qu'elle n'inspire et que sa dague se dérobe de sa gorge et qu'elle expire que son corps prenne du recul et qu'elle inspire, expire les ténèbres dans le rythme constant de son cœur qui s'envenime et qui meurt et elle sent la douleur remonter elle sent la rage s'insuffler et son souffle se transforme en un cri perçant, souffrant, rageant comme la tempête alors que son ombre grandit et ne l'aspire en trois pas de danse.

Et voilà que les ombres la recrachent entre les murs de son antre, où les chandelles oscillent sous les ombres sinueuses de la Brume et de la Lune dehors, sa silhouette chancelant dangereusement, sa hanche se cognant durement contre une table, faisant vaciller un chaudron bouillant alors que de sa gorge s'extirpent des lamentations à mi-chemin entre la douleur et la colère.

Elle se replie sur elle-même alors qu'une nouvelle vague de Ténèbres s'insuffle en elle, ses bras contre son corps, contre son ventre, un main sur sa gorge qui s'essouffle alors qu'elle sent remonter l'afflux entre ses lèvres, une sensation dégoûtante, brûlante contre sa gorge. Mais elle doit continuer elle doit relever la tête et elle le fait, une main sur la table pour garder l'équilibre, tentant de se remettre droite, de ne pas laisser la rage et la souffrance s'éprendre de son corps à nouveau en secousses violentes.

Ses yeux se posent sur une étagère, sur la faible lumière perlée qui s'en échappe alors qu'elle avance – un pas devant l'autre, un pas chancelant devant l'autre – vers celle-ci pour finalement l'atteindre, sa main s'emparant de la première fiole, qu'elle ouvre machinalement. Le liquide coule entre ses lèvres et s'échappe à sa commissure, sa douleur perlée brillant contre sa peau et contre son menton alors que ses dents se serrent et que son corps tremble, qu'elle jette la fiole violemment contre le sol dans un accès de rage alors que ses yeux se ferment, que les secondes passent avant qu'elle ne s'arrache de la table, sortant à la volée de son sanctuaire et s'évadant entre les arbres et la brume. Elle chancèle, haletante, serpentant entre les arbres et s'arrêtant quelques mètres seulement plus loin, sa main droite s'accrochant à un arbre alors que sa main gauche agrippe le tissu recouvrant sa poitrine.

La douleur l'accable à nouveau et sa main se serre alors que son souffle se coupe, se transforme en un sifflement étouffé, un crachement suivi d'une violente toux, d'une plainte rauque, désespérée, le raisonnement d'une âme meurtrie.

Elle a vécu un centenaire; pourquoi laisse-t-elle une telle blessure avoir autant d'ampleur sur elle?
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Mer 2 Mar - 16:20
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Elle hésite. La tempête fait rage en ses yeux d’opale et je sens son muscle cardiaque se serrer comme s’il avait été au creux de ma main, comme si mes doigts l’avaient étouffé sans pitié. La lame est contre ma gorge, mais c’est la sienne qui se bloque. C’est elle qui frémit, dont la résolution vacille en soubresauts. Tellement, tellement fragile. Ce n’est pas une dame entourée de brume, c’est une ombre blanche et diaphane qui disparaîtra, si je l’effleure. Ça ne m’a pas empêché de glisser les mots, de lui laisser connaître ma volonté. Les palpitations de mon cœur résonnent jusque dans mes mains et je me sens plus vivant que je ne l’ai été depuis si longtemps. Ses lèvres s’entrouvrent sous le choc et je m’y attarde, je les détaille, attendant d’y voir d’ultimes syllabes s’en détacher. Savoure ta victoire, brise-moi si tu l’oses. Renverse la vapeur et, pour cette fois, plante tes serres en moi et déchiquette cet être que tu détestes tant. Laisse tomber cette dague, étouffe moi de tes mains s’il le faut, mais ne me fait plus attendre. Où est donc passée ta résolution? Si le jeu doit se terminer maintenant, qu’il le fasse en grandes pompes. Que le sang coule, que nos voix se mêlent en un hurlement de désespoir, de haine et d’amour. Si tel est véritablement ton désir, alors consumons-nous ensemble juste une dernière fois, telles deux flammes jumelles qui forment un dernier brasier. Qu’importe s’il n’en reste ensuite rien de plus que des cendres. Nous savons tous deux que c’est ainsi que ce doit se terminer, depuis le début. Pourquoi cette pause, cet étirement? Ne me force pas à précipiter les choses, à guider ta main. Je l’ai déjà fait tant de fois, je le fais toujours. Si tout est vraiment terminé, alors prouve-le. Échappons aux schémas habituels, aux règles de la danse. Quand bien même ces principes sont gravés en nous, bafouons-les, si ce doit être la fin. Trahissons tout ce à quoi nous tenons, tous ces souvenirs, cet équilibre savant que nous avons mis en place. C’est toi qui es venue me trouver, qui a prononcé les mots. Pourquoi ne pas les assumer, maintenant, alors que c’est en cet instant qu’ils comptent le plus?

Ta tête s’incline, comme si tu ployais sous le poids du dilemme, fragile comme un roseau. Assassine depuis la nuit des temps, tu n’es pourtant pas faite pour enlever la vie, pas véritablement. Il y a en ton sein trop d’affection, un trop grand sens du sacré et du rituel. Une pureté dans laquelle je veux mordre à pleines dents, la souiller de ma noirceur et la chérir telle une perle secrète. Je vois ta main qui s’enfonce dans cette chevelure d’ivoire. Elle est décolorée, comme toi. Elle inspire la maladie, la pitié et, pourtant, elle est aussi précieuse. Ta poigne est incontrôlée, comme une panique affolée, un acte non-prémédité suivit d’une fuite désordonnée. Ne reste plus, sur ma peau, qu’une ligne rosée pour témoigner de ce petit écart. Ce n’était donc qu’un mensonge. Le jeu n’est pas terminé, il ne se terminera sans doute jamais. Tu ne pourrais pas vivre sans lui, n’est-ce pas? En cela, nous partageons un trait de dépendance, une addiction. Ce n’est même plus de l’amour, c’est un simple besoin. Une impulsion incontrôlable et autodestructrice. C’est mal et je le sais. Qui crois-tu que je sois? Mon innocence a péri dans les bras de ma mère, lorsque la Métropolis fut engloutie par les ombres, par le chant de la nuit. Ne reste plus de moi qu’un monstre à qui tu as enseigné l’amour tout autant que tu lui as appris le meurtre. Au fond, tout cela est peut-être de ta faute.

Les ténèbres t’ont engloutie en un tourbillon de malheur. L’instant suivant, il n’y a plus que moi au milieu de la taverne, abandonné au cœur d’un nuage d’alcool et de sueur. Les marins sont rustres et leurs angles sont quelconques. Leurs lignes sont bâtardes et leur mâchoire entrouverte stupide. Même ces quelques femmes de joie, attablées auprès d’hommes solitaires, me provoquent un haut le cœur. Le mépris fait empire sur mes traits alors que je marche vers la sortie en un claquement de manteau. Mes camarades de jeu tentent de me rappeler, mais je ne me retourne pas. N’ont-ils pas un cadavre sur les bras, de toute façon? Tout ce qui m’importe, c’est que je sais où elle est et, pire, je me doute trop bien de l’état dans lequel elle y est. Ais-je le droit de la rejoindre? Je ne crois pas. Cela va-t-il m’arrêter? Comme si. Je me glisse dans une ruelle, l’utilisant pour couvrir mes traces et me transporter dans le noir. Je ne reprends pied que devant la porte de la femme m’ayant élevé, découvrant qu’on a passé par ici récemment. Ce n’est pas verrouillé et je ne vais pas attendre que l’on m’invite à l’intérieur. Malheureusement, les lieux sont déserts et il n’y a, pour m’accueillir, que le crissement du verre brisé sous ma botte. Le rêve est ressorti aussi rapidement qu’il est arrivé, par ce même seuil que je viens de franchir.

Plongeant dans la lumière laiteuse de la Lune, je découvre les bois environnant, y cherchant une piste. Dans son état, la femme ne peut pas être très loin. Le voyage par la danse des ombres serait bien trop risqué et ce, indépendamment de son expérience. Une quinte de toux violente me mène sur la bonne voie, guidant mes pas avec angoisse et inquiétude. Le spectacle que je trouve n’a pas le mérite de me surprendre, bien que j’aurais souhaité qu’il en soit autrement. Sa main s’agrippe à un arbre, ses ongles s’y plantant comme ils auraient dû le faire dans ma chair. C’est une tour qui s’effrite, qui perd ses briques et qui craque. Un marbre pourtant parfait, mais qui n’attend qu’un coup de vent pour s’effondrer enfin en un silence retentissant. S’il s’agissait d’un animal, d’une biche égarée et esseulée, je n’hésiterais pas. J’achèverais la pauvre créature sans remord, la laissant reposer en mes bras. Quelle différence, vraiment? Aucune biche n’a jamais menacé ma gorge d’une lame auparavant, mais je suis encore jeune et j’ai un don pour me faire des ennemis. Sait-on jamais. Que faire, alors, pour ces lambeaux de femme qui désespèrent, qui luttent pour ne pas s’effriter en morceaux aiguisés? La sincérité serait-elle une option valide, juste cette fois?

▬ Regarde-toi, dépendante d’un placebo de lumière pour seulement survivre. Comment oses-tu me demander une vérité que tu ne saurais même pas entendre? Tu devrais me remercier de te jeter toute cette poudre aux yeux plutôt que de m’en blâmer.

Elle a décrété que notre jeu est terminé, elle a choisi ce scénario et m’a forcé à mettre mes cartes sur la table. La Dame de Brume m’a supplié en menaces mortelles, m’a arraché les mots, oubliant trop facilement les maux qui allaient en découler. Qu’elle s’en morde les doigts, cela lui apprendra à mieux considérer ses désirs.

▬ Si tu veux réellement affronter la vérité, cesse de la fuir, de te mentir et de te cacher derrières des concoctions de pacotille. La femme que j’aime et que je respecte vaut plus que cela. Elle était une source d’espoir, un refuge dans la tempête. Elle était tout ce que j’avais. Rien, même la Mort, n’a pu m’empêcher de retourner à ses côtés. Si je ne peux mourir, ce n’est pas un simple hasard. Mon cœur n’est plus mien, car il repose entre les mains de mon aimée pour cette vie et toutes les autres à venir. Mais tu n’es plus cette femme, tu n’en es qu’une vulgaire ombre. Tu n’es plus qu’« Aisling ».

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Aisling
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Dim 6 Mar - 0:22
Une si sordide Solitude;
« Et la plaie béante s'effrite sous les coups répétés de mon cœur. »

Tu n'as jamais voulu le tuer.

Ça n'a jamais été ton intention comme ça ne le sera jamais.

Tout ce que tu voulais… tout ce que tu as toujours voulu, c'est que cette mascarade ne cesse, qu'il arrête de te manipuler comme il le fait depuis qu'il a franchi à nouveau la porte menant à toi, depuis qu'il s'est révélé à ne pas être mort comme tu l'avais pensé, comme tous l'avaient pensé. Tu avais voulu retrouver celui que tu avais connu il y a des années, retrouver celui que tu avais éduqué à ton art, dans ce monde qui depuis longtemps déjà n'était plus qu'un fragment déchu d'une mémoire abstraite.

Il était revenu à toi comme une étincelle dans l'ombre, jouant dès le début de ses illusions pour se cacher de toi, se cacher du monde. Et toi, sotte que tu es, tu auras mordu à l'hameçon, par amour, par désespoir. Le désespoir mené par la solitude. Le désespoir de la Mère qui a perdu tous ses enfants et qui s'accroche au dernier. Le désespoir de celle qui s'est arrachée de son clan, trahie, triste et torturée.

Il est la seule chose qui te reste. En un siècle de vie, il est la seule parcelle de
toi encore vivante, encore là. Et cette chose, cruellement, t'assassine comme tu lui as si bien montré, te tue comme il l'aura fait maintes fois, te brise comme si tu n'étais que porcelaine.

Il ne lui aura suffi que d'une phrase et d'une illusion brisée pour te démolir.


Aisling est brisée, souffrante, mourante.

Et dans la brume, l'ombre de Noctis lui parvient, se distinguant de celles des arbres et de la forêt, une ombre si bien connue que sa trace lui est toujours si reconnaissable. Sa simple présence crée en elle un choc constant se répercutant tout droit dans ses veines, dans son cœur, au-delà de ses ténèbres profondes. Elles ne se calment pas, elles refusent de capituler à la Lumière qui continue de faire effet en son sein tant la rage s'enflamme, tant la détresse la gagne.

Elle ne peut rien dire quand il l'atteint et n'ose pas le regarder, l'opale de ses yeux sur l'herbe aux teintes turquoise sous la brume de la forêt des Caraïbes. Sa main se serre à nouveau sur sa poitrine,  ses doigts empoignant solidement le tissu noirâtre la recouvrant, une nouvelle plainte, brève et étouffée, s'échappant de ses lèvres.

Ses paroles frappent, frappent contre son cœur et sa poitrine gonfle et descend au rythme de ses halètements. Aisling a mal, Aisling veut que ça s'arrête, pitié, que ça s'arrête. Mais ses paroles continuent de fuser, de ce ton doucereux, envenimé, et elle sent sa gorge se serrer et elle sent la douleur s'infuser dans son âme comme dans son corps.

Ses doigts s'enfoncent dans l'écorce alors que de sa main s'extirpe une vague noire, des flammes ténébreuses léchant ses doigts et sa peau alors que d'un violent mouvement circulaire, elle laisse de son corps se propulser une puissante onde ténébreuse, lâchant de sa gorge un cri rauque méconnaissable, désespéré.

▬ VA-T'EN!

Sa voix est tel le rugissement de la bourrasque entre les arbres, déchaînée comme la tempête alors que la vague atteint Noctis et que son regard se plante enfin sur lui, sur sa silhouette embrumée. Ses dents se serrent alors qu'elle retombe, l'énergie noire continuant de serpenter contre ses phalanges, au creux de sa main alors que ses genoux tremblent, menacent sans cesse de la laisser tomber. Inspire.

Expire.

Elle cherche son regard de ses yeux tempétueux, inspirant profondément, sa voix tonnant entre chaque syllabe tant les mots ne veulent quitter la barrière de ses lèvres, tant chaque phrase est pour elle un martyr, une féroce vérité.

Plus de plaisanteries.

▬ Si je ne suis qu'une ombre, alors qu'es-tu? Quel homme pathétique et misérable! Tu oses vivre en dissimulant ta véritable nature sous un voile d'illusions, même à celle que tu prétends aimer, alimentant la supercherie d'une mascarade!

Une sphère ténébreuse prend forme au creux de sa main droite et elle la jette dans sa direction dans une exclamation de force, car ce simple geste semble prendre toute son énergie, toute sa volonté, avant de continuer  sa tirade avec plus de détermination encore.

▬ Et devrais-je avoir de la pitié de toi, devrais-je avoir une quelconque once de pitié quand toutes ces années, tout ce que tu m'as causé est de la souffrance? Si tu me méprises tant, et si je ne suis plus cette personne que tu as prétendu aimer, alors pourquoi ne me laisses-tu pas ?!

La souffrance lui prend aux tripes alors que, de nouveau, le liquide entre dans ses poumons et l'étouffe. Elle crache, elle tousse, elle halète, la douleur perlant sur son front en gouttes de sueur, se mariant à ses larmes, larmes dures de la souffrance et de la peur, une salive noire s'échappant en filets de sa bouche, qu'elle essuie rapidement du dos de sa main, avant d'affronter à nouveau son regard, redoublant d'efforts afin que sa voix ne tremble pas.

▬ Laisse-moi, Noctis; abandonne-moi. Je ne veux pas de toi, je ne veux pas de toi si c'est pour avoir encore des mensonges et des illusions; tout ce temps, j'ai cru— ça n'a plus d'importance. Rien n'a plus d'importance. Va-t'en.

Elle ose soutenir son regard encore quelques secondes, seulement pour retomber ensuite, sa main glissant sans résistance contre le tronc de l'arbre, ses ongles s'accrochant à peine à son écorce, sans plus de force. Elle rencontre le sol, les dents serrées, le ventre retourné. L'hyperventilation causée par sa panique, la panique de la mort qui approche, qui la tétanise.

La peur au plus profond de son âme, craquant, craquant contre sa peau qui s'efface qui s'envenime, veines d'encre parcourant son épiderme de porcelaine comme des fissures sur sa si fragile enveloppe corporelle.

Aisling se brise.

Bientôt la brume l'aspirerait et elle ne serait plus rien.

Tu n'as jamais voulu le tuer. Quelle ironie de penser que ce sera lui qui t'achèvera.

Que le Soleil guide tes pas, Grianghal tes mouvements.
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Mar 8 Mar - 16:18
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Les mots m’échappent en vérité partielles. Non, ce n’est même pas ça. C’est encore bien trop loin des faits, des secrets. Ce n’est qu’une mise en garde. Par pitié, baisse les bras. Tu n’es pas prête pour la vérité, tu trembles trop, délicate et fragile. Si je t’effleure de cette main, je vais te briser. Si je te glisse une parole à l’oreille, le souffle te manquera et tu mourras dans les bras de mon affection. Comprend pourquoi je fais ces choses au lieu de t’entêter, de me demander de changer mes méthodes. Tu es aveuglée, tu ne comprends pas toute l’étendue de la situation, de notre situation. Tu es comme une enfant qui demande un jouet sans savoir qu’elle tend la main vers une lame dangereuse. Si innocente, si venimeuse. Il reste si peu de toi, laisse-moi tenter de te préserver, quand bien même mes efforts sont peut-être vains. Laisse-moi faire, fais-moi confiance. Juste pour cette fois.

La vague d’ombre est profonde, enragée comme la pulsation d’un cœur meurtris. Je n’y vois pas la nuit, je n’y vois qu’une main vengeresse, des serres qui tentent de s’accrocher au bord du précipice autant qu’elles cherchent à m’y tirer à leur suite. Mes orbes d’or sont pollués par le reflet noir des ténèbres, couvrant mon regard en lourds nuages d’orages et voilant ma vision devenue trouble. Je ne m’y attendais pas. Je n’attendais que ça. Je la connais par cœur, maintenant. Ses moindres fluctuations, ses pas maladroits, cette danse erratique et désordonnée qui, derrière ses manières rusées et chatoyantes, me crient tout son mal. Si le reste du monde y est aveugle, j’ai appris Aisling, jour après jour. J’ai suivi l’évolution de ses lignes dans notre salle de danse, étudié les éclats d’azur en ses yeux et récité en mes rêves toutes les facettes de son sourire, tel un kaléidoscope d’émotions. Je savais qu’elle allait attaquer et, pourtant, je l’ai laissé faire. J’ai avancé d’un pas vers la lame de fond, par foi ou par folie. Quelle différence y a-t-il vraiment entre l’un et l’autre?

Les mots frappent et me déchirent, m’arrachent une plainte sourde, aveugle et meurtrie. Va-t-en. Un ordre qui m’ébranle, qui se faufile dans ma chair et qui tranche mes vêtements en crocs vicieux. Fermant les yeux, serrant les dents et inspirant un grand coup d’air, je ne sais plus ce qui a chauffé le plus, ce qui me torture le plus. Cette voix n’est même plus humaine. C’est le grondement d’une bête, d’une mourante. Le cri précédent le trépas, la dernière supplication. Je l’ai entendu si souvent, il est revenu me hanter dans mes rêves. Dans chaque interrogatoire, il y a les pleurs. Le marchandage, la peur. Lorsque poussé au bord du précipice, toute âme humaine parcours les mêmes émotions, à sa façon. C’est inéluctable, un ballet d’une chorégraphie incroyable, apprise par l’inconscience collective et gravée au plus profond du cœur des hommes. Cela ne dure pourtant qu’un temps. Lorsque la cible comprend, que la lame va les remercier de leur coopération par la délivrance de la mort, il y a ce dernier soubresaut. Cette rage incontrôlée, cette fureur de vivre, ce désir qui transcende l’origine, les conventions sociales ou la personnalité. L’impulsion la plus pure qui existe, celle de se battre pour sa vie. Comme un réflexe inné, impératif. La vibration dans la voix de la Dame de Brume est la même.

La constatation suffit à m’anesthésier, à retenir la douleur physique le temps d’un soupir pour plutôt comprimer ma cage thoracique. La souffrance ne vient qu’après, une douche froide qui fait trembler tout le corps et arrache un cri bestial, comme le rugissement d’un lion dont la gorge est enrouée de ne plus avoir été déchirée de la sorte depuis si longtemps. Je n’arrive pas à évaluer la blessure, c’est impossible. Ce n’est qu’une chaleur qui vibre, qui me tort et s’incruste en pression démesurée. J’ai beau plaquer ma main dessus, il n’y a rien pour me répondre que le sang qui coule entre mes doigts, tiède. J’esquisse un sourire amer, les dents serrées comme celles d’un prédateur, l’œil fou. J’avais oublié cette sensation. Oublié comme le sang n’est plus aussi chaud que ce que l’on s’imagine, lorsqu’il coule. Comment c’est irréaliste, malgré la douleur, de réaliser que son propre liquide vital s’écoule et tache le reste de la vie en fleurs cramoisi. Mais ce n’est pas la fin.

La voix me rappelle à elle, tonnant d’accusations vaporeuses, vides. C’est ma façon de les percevoir, à tout le moins. Ce que je suis? Moi? Quelle drôle de question. Quelles drôles de suppositions. Un homme pathétique et misérable? Un homme qui n’a aucun remord à mentir à celle qu’il aime et à lui brandir une illusion sous les yeux? Est-ce un défi? D’un pas, j’avance, le corps tendu et prêt à mordre, à répondre à ses attentes. Aisling a demandé la vérité, m’a supplié d’une lame pour que je m’expose à ses yeux d’opale. Et dans ce moment de folie passagère, de douleur incroyable, je suis prêt à la lui donner. Prêt à la prendre à la gorge, à la plaquer contre cet arbre auquel elle s’accroche aussi ridiculement et à lui susurrer à l’oreille. Je suis un menteur, un tueur, un être au sang-froid, décalé et égoïste, dangereux. Un gamin qui ne se soucie pas de la bonté de ses actions ou, au contraire, de leur malédiction. Un illusionniste, un mort. Je suis son pire cauchemar, la source de toute sa souffrance. La vérité, c’est qu’elle aurait dû me tuer au lieu de me recueillir. Si tel avait été son choix, Solaistír brillerait peut-être encore, une étoile parmi les autres. Et mes yeux sont comme des monstres, éveillés par le goût du sang, désireux d’en prendre juste un peu plus.

C’est là que fuse la seconde offensive, boule noire et sombre qui soulève ma crinière d’ébène. La voix reprend, comme si l’attaque n’avait été qu’une ponctuation, une pause pour reprendre son souffle. Pitié de moi? A-t-on pitié de la bête, lorsqu’elle se sent coupable d’avoir mordu son maître, la main qui le nourrit et l’a élevé, maintenu en vie? Oui, vas-y, dis le. Je ne t’ai causé que souffrance. Je te méprise. Je te regarde et le dégoût s’empare de moi tant tu as changée. Mais alors pourquoi? Pourquoi ne pas être parti? Pourquoi ne pas t’avoir achevée?

Une quinte de toux m’arrête, me fait courber l’échine, laisse glisser mes fresques de ténèbres de sur mes épaules pour encadrer plutôt mon visage aux joues creusées par le mal. La douleur me ronge, me fait palpiter les paupières et reprendre mon souffle en plein lac. L’air entre en moi en flots brûlants et secs, arides, froid. Je tremble et je souffre. La question remonte, accompagnée par cette vue immonde. Le corps d’Aisling qui s’arque pour vomir des déluges de ténèbres, ses pleurs souillant ses joues et son désespoir hissé tel un étendard. Et l’écho revient. La question me tourmente. Jamais auparavant n’ais-je tenté d’y trouver une réponse. Elle est si laide, si imparfaite. Si différente de mes souvenirs depuis que le temps et la perte l’ont défigurée. La danseuse me répète de la laisser, de l’abandonner. Elle ne veut plus de moi, pas de mes mensonges et de mes illusions, car tout ce temps elle a voulu croire à autre chose, peut-être à plus. Sauf que ça n’a jamais rien changé, pour moi. Je n’ai jamais tenu compte de ce qu’elle désirait, pas une seule fois. Mais alors, pourquoi?

Ses yeux rejoignent les miens, redevenus perdus comme ceux d’un enfant devant une question qui dépasse même son imaginaire. L’opale est comme une main tendue, faible et suppliante, en totale contradiction avec ses mots. Exprimant les maux plutôt que les mots. Et elle retombe, me tirant vers sa présence incertaine d’un pas de plus. Son corps se vide de sa vie comme une poupée brisée qui glisse vers le sol, vers la mort. Je dois la libérer de cette souffrance, l’apaiser et la protéger comme je l’ai toujours fait, à ma façon. Mais pourquoi le ferais-je? Ne suis-je pas un assassin? Ne lui ai-je pas tout fait perdre déjà? Oui, c’est bien le cas. Pourquoi me suis-je autant attaché à une fleur que j’ai déracinée? Pourtant je le savais, ses pétales ne pouvaient que se faner. Ça ne m’a pas empêché d’essayer, de vouloir la garder pour moi. Quand bien même je devais pour cela détruire notre monde, notre ordre établi et faire tomber des têtes. Lorsque mes sombres desseins sont entrés en collision avec son esprit corrompu et malade, je n’ai pourtant pas hésité à continuer. C’était ce qu’il fallait pour qu’Aisling se détourne de lui et que je puisse enfin la garder pour moi, tout autant qu’elle était. En essayant de la posséder, je l’ai tuée. Ne reste plus d’elle que l’étincelle que j’ai laissée survivre, prête à s’éteindre à mon commandement. N’est-ce pas ce que je suis en train de faire? Ne devrais-je pas être heureux d’avoir réussi à la posséder complètement? D’avoir le droit de vie et de mort sur cette existence que j’ai tant désiré chérir, loin du reste de l’existence?

Pourquoi, depuis ce jour où j’ai cru périr, mes envies ont elle changées à ce point? Pourquoi n’ai-je plus seulement envie de l’étouffer dans ma poigne et de la mettre en cage tel un oiseau rare? Que s’est-il passé pour que j’aie plutôt envie de la protéger, de la voir me sourire et de passer ma main dans sa chevelure flamboyante? Pourquoi ces sentiments dangereux, possessifs et toxiques ont-ils été dénaturés au point où, lorsque mon objectif est enfin atteint, je ne m’en retrouve que souffrant et blessé? Que m’est-il arrivé, lorsque Solaistír a été détruit? Suis-je encore seulement le même homme ou suis-je vraiment mort, ce jour là?

Suis-je un vulgaire imposteur?

Une question qui demeurera sans réponses. Je suis à court de temps. Elle échoue au sol, un navire se fracassant contre les rochers escarpés. Une poupée désarticulée, noire de mort et de souffrance, bougeant en convulsions inquiétantes, toussant le mal et le poison s’échappant d’elle en dégoulinant le long de son menton. Il me faut bouger, revenir à moi et cesser toutes ces réflexions inutiles, vides. Elles ne changeront pas le cours de l’histoire, ne sont que pertes de temps futile et, bientôt, une certaine rage se forme en mon sein. J’ai perdu tout ce temps alors que j’aurais dû agir. Je la laisse souffrir, je suis planté là, un arbre perdant sa sève comme un jour de printemps, comme si de rien n’était. Bouge Noctis, bouge.

J’avance à grands pas souples, sourcils froncés et le nez plissé. Chaque mouvement est douloureux et je sens la peau qui tire, qui frotte contre mes os juste en dessous. Je sens le sang qui commence à sécher en croûtes irrégulières pour n’être ensuite qu’enjambées par le reste de mon flot vital. Mes vêtements, ruinés, tombent sur la plaie et se soulèvent au même rythme que moi pour ensuite retomber et coller un peu. Quelques mèches de cheveux, imbibées dans le bas, s’agglutinent entre elles et demeurent enlacées. Tout cela ne m’empêche pourtant pas de poser un genou au sol et de refermer ma main tremblante contre sa nuque. L’urgence chassant la délicatesse, c’est sans ménagement que je libère ma propre noirceur, une vague presque agressive, ne serait-ce que par la panique. Elle doit perdre conscience, elle doit dormir. Voilà, comme ça. Part. Quitte ton corps, juste le temps qu’il me faudra pour le remettre en état de t’accueillir.

Je la prends par le bras et la soulève, la hissant tout en me relevant avant de glisser l’autre bras sous ses jambes, gémissant en animal blessé. La femme est légère, mais l’effort est là et je tourne les talons en affermissant ma prise, glissant l’autre main jusqu’au haut de son dos. Courbé, j’avance sans regarder, sentant le gazon sous moi fuir, le monde devenir instable. L’adrénaline me force toutefois à me relever, lorsque mon épaule se fracasse contre un arbre. Une nouvelle grande inspiration et je me relance dans la lutte. Lorsque je gagne la porte de la demeure de la Dame de Brume, c’est d’un coup d’épaule que j’ouvre, puissant. Le pan de bois grince et ses gonds le projettent jusqu’au mur avant de le ramener à moi pour me fouetter en représailles. Qu’importe, je suis déjà passé et mon regard paniqué cherche. Voilà, la table. J’y appuie le corps inerte, déblayant la surface d’un ample mouvement du bras. Les flacons vides tombent, explosent au sol et certaines vapeurs montent. Il y a, au milieu de tout ça, une odeur de citronnelle et de cannelle, mélangé avec les effluves de cire et le fumet poignant de la terreur. Les éclats de verre crissent sous mes pieds et mes pantalons se voient offrir quelques morsures, mais je ne le remarque même pas. La planche à découper, le couteau et les ingrédients suivent le même chemin, s’effondrant au sol en un tas désordonné sur lequel je marche sans remords, trop occupé à étendre la mourante sur le côté. Elle ne doit pas s’étouffer dans ses ténèbres. Sauf que ça ne change rien. Si les choses ne s’améliorent pas, ce n’est pas ça qui va la tuer. Vite. Je dois trouver une solution. Tempérer le mal. Sa potion de lumière, voilà la seule solution. Les mains tremblantes, je cherche. Je lance des chandelles, rugit contre des feuilles inutiles, renverse une chaise en tempête. Smila. Persil. Serviette. Troscaín. Tiroir. Encore une chandelle. Faex lucerna!

▬ Il n’y a rien d’utile ici?!

Pots. Onguents. Seringue. Seringue! Célerius, potion de lumière. Mains qui tremblent, seringue qui tombe au sol. Plongeon, douleur, sang. Morceaux de verre brisé. Mains meurtries. Chevelure devant les yeux, partout. Je me relève, appuyant contre le plan de travail. Regard fou, panique. Pas incertains, mais pressés. Trébuchement, rattrapé sur une poutre. J’atteins les potions. Embouteillées, classées. Trop compliqué. Trop long. Je veux les pousser, mais trop fort. Elles tombent des tablettes. Rien à foutre. Lux lux lux lux… Non pas potion de vérité, faex. Pas anti-poison. Pas anti-sceptique. Je pourrais me désinfecter. Non, ni am dramhaíola. Lumière. Lumière! Mauvaise tablette, bien sûr. Ils sont en évidence. J’aurais du les voir. Je les vois. Je suis un crétin. In cruce figarus. Ne les casse pas cette fois. Plante la longue aiguille au travers du liège. Tire le liquide, doucement. Dépose le flacon, petit coup contre la seringue et fait sortir l’air. Voilà. Voilà, c’est bon. Retournement d’un bloc, pas rapides vers la table. Vers Aisling. Ciach, j’ai pris trop de temps.

Je dégage les cheveux de son visage. Je la retourne sur le dos, pas longtemps. Geste impulsif, seringue entre les dents. Deux mains pour déchirer le haut. Lame ténébreuse pour m’aider. Doigts tremblants qui cherchent un bon point, entre deux côtes. Mon sang qui glisse, qui la tache aussi. Qu’importe. Grande inspiration. Mouvement décidé. Aiguille qui transperce. Glisse comme dans du beurre, frotte contre un os. Ciach. Pression sur le piston. Déversement de lumière. Respiration retenue. Début de convulsions. Non non non non. Retire la seringue, lance plus loin. Cherche à nouveau et trouve, par terre, une cuillère en bois. Fait rouler Aisling sur le côté, glisse l’ustensile contre sa langue. Je dois immobiliser sa tête. Elle a des convulsions. Elle ne doit pas se mordre la langue ou pire. Elle ne doit pas se cogner la tête sur la table. Je la serre contre moi, fort. Passe ma main ensanglantée dans ses cheveux, essaie de lui parler. De la calmer. Elle ne m’entend pas, mais ça me calme aussi.

▬ Tà mé anseo. Is léir go maith.

La crise ne dure pas longtemps. Elle s’apaise, un peu. Je recommence à respirer. Je recommence à avoir mal. Un voile blanc tombe devant mes yeux. Mon corps est plus lourd. Je cligne des yeux. Je dois tenir bon, demeurer à ses côtés et prendre soin d’elle. Tant que l’ouragan n’est pas passé. Tant qu’il y a encore ce liquide ténébreux pour se répandre sur la table et jusqu’au sol, flaques humides et dégoutantes. Le temps passe lentement, mon cœur bat jusque dans mes tempes. Jusque dans ma blessure qui ne cesse d’empirer. Un élancement, comme si l’on tirait sur la corde d’un arc, sauf que c’est mon corps qui grince.

Je recule d’un pas, observant son corps toujours inerte sur la table. Aisling semble un peu plus paisible. Sa respiration reprend un rythme plus régulier, ses membres semblent se détendre. Affaiblie et pâle comme la mort, son sort semble pourtant réglé. La Dame de Brume a réussi à échapper au trépas, une énième fois. Lentement, je m’apaise. J’appuie mes deux mains contre le bois de la table, surplombant la danseuse endormie. Sans raison, je sens mes épaules commencer à trembler, mon rire qui s’élève doucement, avec une sincérité et une simplicité étonnante. Le soulagement. Cette fois, j’ai réussi à lui sauver la vie. Juste pour cette fois, j’ai réussi à inverser le cours des choses. Cette réalisation est comme un baume sur ma respiration sifflante, sur mon dos qui s’affaisse et qui souffre. Et pourtant, même ainsi abîmé, j’arrive à adoucir mon regard. Durant une seconde, je l’admire. Récupérant l’un des fragments brisés de son vêtement, j’essuie son visage avec délicatesse afin d’en retirer les souvenirs de ce malheureux incident. Le tissu souillé rejoint ensuite le sol, sans gêne aucune. Les lieux sont sans dessus-dessous, ce n’est pas cela qui y changera grand-chose.

Pourquoi suis-je revenu à ses côtés? Pourquoi avoir continué à la visiter? Pourquoi ne jamais être loin d’elle et veiller sur son sort? Pourquoi lui avoir sauvé la vie? Pourquoi me cacher à elle sans cesse, comme si j’espérais lui offrir le portrait d’un être meilleur que ce que je suis réellement? Pourquoi laisser ma main vagabonder librement sans sa chevelure, en colorer de mon sang les mèches d’ivoire, avec une affection à peine contenue? Pourquoi en prendre soin ainsi, pourquoi la réconforter en un acte qu’elle ne peut même pas sentir de toute façon? Qui ne fera que la souiller un peu plus? Pourquoi ais-je autant changé? Pourquoi, maintenant, ne puis-je pas m’empêcher de…

▬ … l’aimer? Eh. Je suis vraiment… pathétique…

Mon rire est un souffle rauque, un grattement qui remonte mon larynx et m’écorche d’un frisson. C’est une mauvaise idée. Je dois partir, aller me soigner. Maintenant qu’elle est tirée d’affaire, je peux retrouver mes habitudes. L’abandonner sur place et espérer que la Dame de brume s’en sorte de ses propres moyens. Me penchant au dessus d’elle, c’est tout en délicatesse que je dépose un baiser sur son front, non sans esquisser une grimace. Je me sens faiblir. La douleur reprend ses droits et l’adrénaline retombe. Je dois partir. Il est temps, me dis-je en m’éloignant enfin de cette table. Sur mon chemin, une pensée confuse s’immisce, juste le temps que je l’esquisse en paroles.

▬ À chaque fois… elle frôle la mort et après… elle se demande… pourquoi je ne viens pas plus souvent…

Ces mots furent les derniers que je prononçai. L’instant suivant, mes jambes cédaient sous mon poids et mon corps, comme une masse, s’étalait sur le plancher. Il n’y avait plus que le noir.



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Aisling
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Dim 27 Mar - 1:49
Une si sordide Solitude;
« Et la plaie béante s'effrite sous les coups répétés de mon cœur. »

L'écho de son cri la tétanise comme l'aurait fait le son du glas. Elle entend la souffrance passer dans son corps et le hurlement tressaille au fond de ses entrailles et elle le sent souffrir, sa douleur se mêlant à la sienne dans une danse décadente, désordonnée, discordante.

Si elle n'a jamais voulu le tuer, pourquoi l'attaque-t-elle ainsi, pourquoi la douleur, la peur et la fureur la poussent-elles ainsi à s'imposer des pulsions meurtrières à son égard?

Tu l'as blessé. Tu l'as blessé pour le faire fuir, tu l'as blessé pour qu'il te laisse à ton sort, pour que la mort t'accompagne comme les derniers rayons du Soleil au creux de la main chaude de Grianghal sans qu'il soit là pour te mentir à nouveau, pour te briser plus que tu ne l'es déjà. Tu ne veux plus, tu n'as jamais voulu ressentir cette détresse qui te ronge et t'aspire dans ce vide douloureux, vif. Livide, ton regard n'ose qu'à peine se retourner sur lui. Tu lui as dit tout ce que tu voulais lui dire, tu lui as murmuré les dernières paroles qui devaient être murmurées et tu t'efforces à survivre cette mort qui s'approche et te déconcerte.

Tu as si peur. Tu as si peur de mourir et ton corps ressent trop durement cette peur, trop vivement cette folie qui t'anime de soubresauts disparates, de lamentations désespérées.


C'est à la vue de son bras lorsqu'elle s'effondre qu'elle sent dans sa gorge l'envie de vomir la prendre, le haut-le-corps passant outre ses lèvres à la prise de conscience douloureuse qu'elle s'effrite et que les Ténèbres la gagnent comme la première fois, et que ce sera sans l'ombre d'un doute la dernière. Elle voit les veines se multiplier, formant des arabesques anguleuses et noircies contre sa peau diaphane, d'étranges convulsions envahissant son corps chétif alors qu'elle laisse une nouvelle plainte douloureuse et apeurée fuser. C'est la dernière image claire qui vient à son esprit alors qu'elle le voit s'avancer vers elle, qu'il avance et qu'il ne la laisse pas, alors que ses doigts s'enfoncent dans l'herbe et en arrachent des morceaux, son souffle de plus en plus court, son corps toujours aussi agité. Les larmes recouvrent son regard perlé alors que la brume au sol semble l'engouffrer, l'entourer, l'entourer elle et les craquelures sur sa peau de porcelaine qui atteignent ses doigts, qui ont atteint son visage, son corps en entier se désintégrant doucement sous les Ténèbres qui ne cessent de se battre contre la lumière, la si petite lumière, si faible lumière qui s'atténue alors qu'elle a tenté de se battre.

Le monstre fut trop fort. Le monstre l'aura finalement englouti. Après toutes ces années à éviter une mort qui s'approchait toujours plus, n'était-ce pas naturel que celle-ci tente de prendre ce contrôle qui lui avait été si cruellement arraché?

Aisling ne voit plus que la brume, l'effroyable brume qui l'engouffre et l'asphyxie, la chavire, la tue.

Et le silence la gagne, le silence accompagne les pas qui ne font que s'approcher. Il ne veut pas partir. Il ne veut pas partir, et elle, pauvre coquille dont l'âme s'échappe, ne peut riposter. Condamnée à l'avoir près de lui, la Dame de Brume n'a d'autre choix que de le laisser faire. Son silence l'effraie, ce n'est pas lui, ce n'est pas lui de ne rien dire alors qu'elle le martyrise de ses mots s'enchaînant, ce n'est pas lui de ne pas répliquer, de ne pas rire de ses paroles, de les effacer du revers de la main, d'accentuer les siennes de ses contraires, de s'amuser à ses dépens de ses moindres paroles et de ses moindres actions. Il ne rit plus des paradoxes qui l'avaient autrefois animée, la laisse là, lasse, mourante sur le sol gris et désaturé, l'opale se vidant de ses yeux comme la vie le fait. Doucement.

Doucement, même si elle tente en vain de se battre contre les ténèbres qui affluent en vagues épaisses dans les parcelles de son corps qui n'avaient pas encore été corrompues.

Elle l'aura cherché.

Tout cela est de sa faute.

Ce n'est pas Noctis, ce n'est pas lui, lui qui s'approche d'elle encore une fois, lui qui se penche vers elle, qui aura causé cette souffrance. C'est elle. C'est elle seule qui aura mené à sa propre perte. Elle est allée trop loin. Aisling est allée trop loin, elle qui, habituellement si méthodique, aurait tout calculé d'avance.

Elle hoquète son nom alors qu'il approche, dans un dernier soubresaut de son corps meurtri, ses doigts pris de soudaines convulsions.

Il y a sa main dans sa chevelure, la main contre sa tête, ses yeux qui n'arrivent qu'à peine à distinguer les siens, le doré n'étant rien de plus qu'une tache disparate entre les formes irrégulières formant son visage, puis il y a cette soudaine pulsion, rapide, plongeant sa conscience dans le noir.

Le noir des ténèbres les crocs sur ses membres sur son cœur la douleur dans sa poitrine. Le cri. Son propre cri qui se répercute contre les parois du Noir et elle coure, coure à en perdre le souffle à sentir sa respiration haletante contre son corps en entier à crier encore. Les Ténèbres s'emparent d'elle et mordent sa chair déchire, déchire ses membres je suis là, tout va bien. Tout va bien. Tout va bien.

C'est fini. Tout est fini.

Elles s'éclipsent et la laissent seule dans le Noir, dans le Noir qui n'est rien de plus que la paix, paisible, silencieuse.

Lentement, elle regagne son souffle.

Lentement, les cauchemars s'estompent et laissent place à un sommeil noir, sommeil dans lequel sa conscience s'infiltre subrepticement; la reconnaissance des ombres chaotiques de sa demeure. Elles ne sont pas à leur place; elles la déstabilisent.

Ce n'est pas comme d'habitude, à son réveil. Rien n'est à sa place, pas même elle.

Et il y a cette lueur sombre qui continue de faire  acte de présence, une lueur qui ne devrait pas être là, pas du tout, au milieu de ce chaos.

L'effluve familier lui revient aux narines comme le fait l'odeur disparate du fer, de la cannelle et d'acide.

Ses paupières se serrent ensemble alors que le mal de tête l'anime. Aisling reprend conscience de son propre corps, son corps meurtri et endolori, tous ses muscles étirés criant sous le moindre de ses mouvements. Mais il est là. Il est là et elle ne le voit pas alors elle doit se lever. Quelque chose ne va pas. Alors elle se lève, elle se bat contre la douleur, laisse un grognement faire trembler sa gorge alors qu'elle se redresse sur ses coudes, puis sur ses mains. Pourquoi est-elle sur la table?

Les évènements reviennent et elle revoit ses mains et ses bras ensevelis de veines ténébreuses, l'encre envahissant sa peau de papier, noir contre blanc. Et elle relève ses mains.

Blanches.

Blanches, mais ensanglantées. Il y a du sang sur son corps. Elle sent le sang s'immiscer au travers du bois, envahir l'encens, plus puissant, écœurant. Pourquoi tant de sang si elle n'est pas blessée? Se serait-elle blessée à son insu? La douleur ne semble pas être de cette envergure, cependant.

Qu'est-ce qui est arrivé à sa maison? Pourquoi tant de choses ne sont-elles pas où elles devraient être?

Gracieusement, non sans grogner, sans maugréer, sans chuchoter, elle se lève de la table.

Noctis était là. Il ne voulait pas partir et il est encore là. Elle suit l'appel de son ombre raisonnant contre la sienne, suit les effluves, l'appelle, sa voix faisant seulement écho contre les murs, sans plus de réponse.

▬ Noctis? Noctis…

C'est à ce moment que son regard d'opale se pose sur les traces de sang sur le plancher, ce sang depuis des heures séché sur les planches de bois recouvrant le sol, du sang qui semble provenir de lui; ce même sang qu'elle a retrouvé partout alors que son regard scrutait avec  la plus grande des obnubilations son antre chaotique.

Le choc est tel qu'elle s'immobilise un instant, le regard porté sur sa silhouette, face contre terre, étendue d'une manière inconfortable contre le sol. Elle sent sont sang se glacer, son estomac faire plusieurs tours alors que son souffle se coupe, qu'elle n'a qu'à peine le temps de murmurer son nom.

Elle chute sur son corps avec la délicatesse de la brume retombant au sol, s'empressant de le retourner, de constater d'où la blessure a saigné, de remarquer son visage inerte, sa bouche entrouverte. Pâle. Livide.

Froid.

▬ Oh. Oh non. Non. Non non non ce n'est pas possible.

Non. Il ne peut pas te quitter il ne peut pas s'enfuir tu ne le laisseras pas mourir par ta bêtise il ne peut pas. C'est la panique qui resserre sa poigne contre son cœur, lui fait douloureusement sauter un battement alors que machinalement, elle relève la tête et que rien n'a plus d'importance. Spontanément, elle s'empare d'un morceau de verre assez ample, le porte sous son nez.

De la buée. Bénissez l'Empire Solaire et ses Divinités. De la buée.

Une vague de soulagement explose contre sa tête et détend en cascades les muscles de son corps alors qu'elle expire longuement, un rire discret s'échappant de sa gorge alors que son regard se porte sur le plafond, où, intouchées par le chaos, pendent encore certaines plantes et concoctions. Ses yeux se ferment une fraction de seconde.

▬ Oh, Bheannaigh Grianghal, il vit encore. Il est en vie.

Elle repose son regard sur lui, sa main délicate épousant les courbes de son visage, le redécouvrant, enlevant de celui-ci ses mèches plus noires que l'ébène dans un geste empli de la plus grande des tendresses.

▬ Tu es en vie, Noctis, tu es en vie et je vais m'occuper de toi.

Je vais te soigner comme je l'ai toujours fait. Je vais te redonner la vie comme je l'ai toujours fait, si seulement je peux te garder encore un peu auprès de moi.

S'évadent ses doigts au-delà de sa mâchoire avant qu'elle ne se relève, qu'elle trouve un morceau de linge parmi le grabuge et qu'elle attache sa chevelure d'ivoire. Ses doigts passent outre les endroits où le sang a séché, mais elle ne s'arrête pas. De même, elle fait fi de ses vêtements déchirés, de sa poitrine encore en évidence, du désordre régnant dans son antre.

Il n'y a plus de temps à perdre.

Aussitôt, elle s'élance entre les fioles brisées, dans l'hécatombe de ses potions, maudissant la tempête qui y est passé. Quelques secondes passent avant qu'elle ne retrouve ce qu'elle cherche; une grande fiole remplie d'eau pure qu'elle rapporte avec elle, reprenant la dague qu'elle avait si lamentablement laissé tomber lors de son entrée paniquée il y a de cela à peine quelques heures. La première étape serait de nettoyer la blessure afin  de pouvoir la refermer.

Plus facile de tout enlever; le sang est partout.

Elle s'affaire à couper ses vêtements minutieusement afin d'avoir une bonne vue de la blessure, libérant son corps et constatant finalement ce qui s'y cache. Elle ne semble pas être au milieu de son torse, mais plus bas; son coup l'aurait frappé horizontalement et aurait couvert une bonne envergure sur son abdomen. Le sang s'est immiscé partout sur sa peau et elle n'arrive pas à voir.

Laisse couler l'eau sur la plaie, laisse les tissus s'imbiber de sang, sa peau devenir moins rouge et la plaie, finalement, se montrer au grand jour. Elle constate enfin les dégâts causés par sa main, l'analyse afin de pouvoir le soigner.

C'est plus que la peau qui a été touchée; plusieurs couches se sont déchirées. La rate ne semble pas affectée; pas de dommages internes, mais il a tout de même perdu beaucoup de sang.  Le sang qu'elle lui a fait perdre de sa faute. Un douloureux frisson lui passe l'échine, la mémoire encore vive des évènements récents, de cette soudaine, trop soudaine confrontation qui s'était finie en un massacre. Ils auraient pu y rester. Ils auraient pu en mourir, il aurait pu mourir en tentant de te sauver. Ce n'est pas le moment. Elle passe une main sur son front, soupirant longuement, sa tête s'emplissant d'étapes afin de résoudre le problème. Il faudra avant tout appliquer de la pression sur la plaie – l'avoir nettoyé et ainsi avoir enlevé le sang séché l'a rouvert dramatiquement. Elle s'est remise à saigner.

Ferme les yeux. Étapes. Il faut des étapes.

Elle a vu pire. Ses Frères et ses Sœurs auront vu de pires blessures et elle aura été en mesure de les guérir. Ressaisis-toi.

Ce n'est pas le moment de perdre le contrôle. Ne pense plus à rien – tu ne dois pas être distraite, Aisling, tu ne dois pas te laisser distraire par ces pensées. Tu dois rester concentrée. Concentre-toi.

Elle entoure sa plaie d'un linge afin de couper la circulation – difficile dans l'angle étrange de la lacération – avant de se relever, de parcourir son antre, de parcourir ses étagères. Certaines potions ne sont plus à leur place. Certaines sont par terre et fument encore.

Certaines ont pris des années avant de compléter. Ce n'est pas le temps, non, ce n'est pas le temps.

Cherche. Cherche.

Une petite fiole trône encore à sa place, près de l'étagère où elle garde précieusement ses potions de Lumière, et elle s'en empare, buvant une gorgée de la concoction qu'elle contient. D'ici quelque secondes, elle ne ressentirait plus la douleur de ses muscles et de sa tête et pourrait enfin se concentrer.

Voilà. L'inventaire, maintenant.

▬ Quel inventaire… Potion de régénération sanguine. Il est extrêmement pâle et froid. Allez. Allez, elle doit être à sa place, j'étais certaine de… Le sol. La voilà. D'accord… Allez. Potion de régénération cellulaire. La plaie est profonde, ça prendra une plus grande dose, ça ne guérira pas en quelques secondes, il faut autre chose, mais quoi… Oui! Des algues, celles qui brûlent, pour cautériser la blessure, arrêter les saignements et aider la potion de régénération  cellulaire à faire ses effets pour fermer la plaie. Sans le réveiller. Il a besoin de sommeil, oui, il doit se reposer, le sang se régénérera de lui-même une fois la blessure guérie… Où sont les fioles, bon sang?!

Bordel. Tout est un vrai bordel et le temps manque, elle a pris trop de temps à se réveiller – combien de temps a-t-elle été inconsciente? Un rapide regard par la fenêtre, entre les chandelles de l'antre, est assez pour confirmer : quelques heures, assez pour que le Soleil soit complètement couché, assez pour que la Lune brille entre les branches, dans la brume. Trop longtemps.

Mais ce n'est pas le temps.

La frustration s'empare d'elle, mais elle continue, inlassable, finit par trouver, finit par déposer contre son corps meurtri les algues, arrêtant le saignement, changeant celles-ci par un cataplasme à base de potion de régénération cellulaire, des plantes diverses enroulées à l'intérieur des tissus servant de bandages contre son abdomen, purgeant son corps et ses cheveux des résidus de sang, de ses vêtements imbibés et sales, arrivant même à le déposer sur son lit, le tout avec la même délicatesse, murmurant des paroles rassurantes à son égard alors qu'elle continuait; les secondes se changeant en minutes, les minutes en heures.

La fatigue ralentit ses mouvements, l'éreintement de ses muscles criant au martyr, implorant que sa souffrance ne s'arrête, mais jamais elle ne le laisserait ainsi, pas après lui avoir causé cette souffrance.  

Il est toujours aussi pâle, toujours aussi faible. Dans son état, il est mieux qu'il dorme; et elle s'étonne de ne pas l'avoir une seule fois réveillé.

Pourtant, il respire. Il est en vie. Il est en vie et il le restera encore un moment.

Son travail terminé, elle dépose son corps près du lit, s'assoit à côté de celui-ci, s'appuyant contre le bord, le contemplant. Il semble si paisible, si délicat malgré cette apparence plus anguleuse, malgré ces traits si différents de ceux qu'elle était habituée de voir. Étrange de le redécouvrir ainsi, dans de telles circonstances, à la lueur des chandelles qui continuent de valser continuellement.

La Dame de Brume passe une main contre son propre visage, dans sa chevelure blanche encore imbibée de sang, sentant la fatigue l'envahir à nouveau, ses yeux se refermer. C'est fini, maintenant. Rien n'arrivera. Rien de plus ne viendra troubler la nuit.

Doucement, sa main se dépose contre la mâchoire de Noctis, son pouce caressant délicatement sa joue, un faible sourire illuminant ses traits fatigués.

▬ Tout va bien, maintenant, Lennán, tout va bien.

Mais il bouge, soudainement, et sa voix perce le silence de la salle alors qu'il maugrée un certain mécontentement. Aisling se redresse, explorant ses traits former une grimace – douleur? Fatigue? – avant qu'elle n'exerce une faible pression sur son épaule, sa voix n'étant rien de plus qu'un murmure dans les ombres de son antre.

▬ Shhh… Ne bouge pas; rendors-toi. Tu as besoin de repos.
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