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 Le petit garçon qui ne grandissait pas.

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Noctis
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Shadow Dancer

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Mer 7 Oct - 14:29
Le petit garçon qui ne grandissait pas.
« Nous partons! Au Pays Imaginaire! »


▬ Suffit! Un mot de plus et c'est la planche!!▬ Enough! One more word and you'll walk the plank!



▬ Loin de moi l'idée de m'immiscer dans votre façon de gérer les choses, mais n'est-ce pas un peu dépassé? Et puis que ferez-vous, s'il s'avère que je sache nager? Enfin, c'est par simple politesse que je vous dit cela, il serait dommage de ne pas réussir votre entreprise devant tous vos hommes, que vont-ils en penser? Dites lui vous, monsieur Mouche.▬ I do not desire to impose myself in your ways of working, but isn't this a bit old? What will you do, if it turns out that I can swim? I am merely being polite, how sad would it be if you were to fail in front of your men, what would they say? Tell him, Mister Smee.



▬ Il n'a pas tort, Ca-ca-capitaine...▬ He isn't wrong, ca-ca-captain Hook...



Comment avais-je bien pu me retrouver là, prisonnier, effrayé, déboussolé et cédant à la panique? Je me sentais trembler jusque dans mes épaules en soubresauts réguliers, j'en avais presque un point de côté, me retenant pour ne pas craquer devant tous. Comment? Ce portrait ne vous semble pas fidèle? Un peu de compassion pour ce pauvre Capitaine, je ne peux quand même pas vous dire que j'étais à deux doigts de céder à l'hilarité. Un homme a sa fierté, voyez, et je ne me serais jamais pardonné d'entamer la sienne de cette façon. J'étais un individu compréhensif et tout à fait coopératif, jusqu'au bout des ongles. Peut-être même un peu trop, devrais-je implorer sa pitié? Oh, mais pardon, je ne vous ai guère répondu, n'est-ce pas?

Tout avait commencé de bonne heure, dans un vaste monde peuplé de pirates et de bourgeois, empreint de l'odeur du sel et du rhum, rehaussé du bruit des goélands. Port-Royal était, en tous points, un endroit fabuleux. On pouvait se lever un matin et décider d'être quelqu'un d'autre, de tout abandonner derrière soi et de découvrir le monde. Certes, on en faisait rapidement le tour considérant que toutes ces étendues d'eau étaient pareilles, mais c'est en la diversité de ses compagnons de voyage que se trouvait la véritable aventure. Il y avait là des hommes de toutes sortes : des borgnes, des alcooliques, des romantiques au coeur chaviré, une ou deux nobles âmes dans la foulée et beaucoup de vieux loups de mer. Les femmes, pour leur part, étaient souvent vulgaires et colorées, prêtes à fêter avec vous jusqu'au bout du monde, pour peu que votre bourse chante en cliquetis dorés. Certes, il y avait aussi la marine, mais je préférais les éviter, ceux là. J'ose croire que vous êtes capables de comprendre le pourquoi du comment sans une explication supplémentaire. Quoi qu'il en soit, j'évoluais donc en cet endroit, accompagné de l'insouciance des jours cléments, un peu alourdit par le poids de l'astre solaire tapant sur mon tricorne brun foncé. Deux jours, déjà, que j'avais regagné la terre ferme. C'était amplement suffisant pour que je sois lassé du paysage et des voix rauques de marins qui hélaient les femmes, la bouche rendue pâteuse par l'alcool. Pourtant, la vaste étendue bleue ne me faisait pas non plus envie. Son ressac triste et régulier ne m'inspirait rien de précis, voilà déjà trois semaines que je le côtoyais chaque jour, de l'autre côté d'une coque en bois. Non, ce qui me faisait envie, c'était tout autre chose.

Le pas dansant, j'avais déserté les rues de la Tortuga, lancé en une impulsion de plus vaste envergure. Quelque part en ces terres, recluse, se dissimulait une femme qui comptait plus que les autres. Sa compagnie n'était pas monnayable et son regard noble et froid était vide de toute hypocrisie. Se contentant d'exister, repliée dans les ténèbres de son passé, la dame de brume était bien trop racée pour que l'on puisse croire qu'elle appartenait à ces contrées. Aisling, la Shadow Dancer qui avait fait de moi son protégé, dans une autre vie. Après tout ce temps sans la visiter, comment se portait-elle? Mes dernières apparitions ne m'avaient pas rassuré, dans tous les cas. Moi qui me faisait un devoir de la protéger, aussi maladroitement que ce fut, il était temps que je retourne à ses côtés pour m'enquérir de l'état de son coeur. Pourtant, je doutais de mon entreprise. Mes mains avaient fait tant de mal autour de moi, pouvais-je réellement lui être bénéfique? Remarque, ce ne pouvait pas non plus être pire.

J'avais fini par entrer chez elle, armé d'un vaste sourire et d'une voix presque chantante, porteuse de paroles amicales et bienveillantes. De par tout ce qu'elle évoquait, l'alchimiste m'était une présence agréable et apaisante qui m'incitait au sourire et m'attirait tel un aimant. C'est difficilement que je me rappelais ce que j'avais fait, que je tentais toujours de me convaincre qu'il aurait été indécent de lui laisser voir tout le bien qu'il me faisait d'être avec elle, surtout quand la réciproque ne pouvait être plus fausse. Trop de choses avaient été détruites par mon influence pour que je me permette de la presser contre moi et de lui murmurer à l'oreille combien j'étais heureux qu'elle fut toujours là. C'est pourquoi je me contentai de tirer une chaise et de m'y affaler, débutant le récit de mes aventures marines avec autant d'enthousiasme que si elle m'avait écouté au lieu de préparer fiévreusement ses effets pour une sortie quelconque. La regardant faire du coin de mes yeux de miel, je devinai ses projets pour y avoir maintes fois participé, en d'autres temps.

Toujours aussi délicat et respectueux de sa volonté, je décidai tout naturellement de me proposer afin de lui tenir compagnie, de l'assister peut-être. Je pourrais continuer à lui raconter mes histoires d'homme des mers, la suivre avec un petit air innocent et l'oeil vif, pour repérer les herbes qui lui faisaient défaut. Une fois de plus, je me heurtai à un refus catégorique, la joie sur mes traits ne s'en retrouvant pourtant pas atténuée. La seule chose qui aurait pu trahir ma déception, si elle avait regardé, était la légère inflexion décrite par l'un de mes fins sourcils, mélange d'agacement et de désapprobation. Qu'à cela ne tienne, si Aisling ne me laissait pas faire le chemin avec elle, je le ferais derrière elle. Et c'est comme ça que j'avais fini par me retrouver à Neverland, assis sur un rocher, aux abords d'un petit lagon.

Dans ma recherche de la dame de brume, j'avais cru pouvoir traverser cet endroit sans interrompre mon périple, à tort. Ces lieux s'avéraient être le refuge d'un petit groupe de sirènes qui, si elles furent d'abord surprise par la présence d'une si longue chevelure -blanche comme si cela ne suffisait pas- sur un homme, réalisèrent bientôt le plus important. Pour la première fois en des décennies, un homme adulte particulièrement séduisant se trouvait au bord de leur point d'eau. Enfin, n'y voyez pas là un trait d'arrogance, la compétition n'était simplement pas très élevée avec l'équipage du Capitaine Crochet et ce même s'il est vrai que mon charme ravageur en a conquis plus d'une par le passé. Fondant sur moi comme des ours sur du miel, leurs voix douces et mélodieuses sonnaient en choeur, m'invitant à partager leur compagnie pour quelques instants. Ne sachant rien refuser à ces beaux grands yeux emplis d'étoiles et de merveilles, j'avais exaucé leur souhait commun, leur offrant ma noble présence le temps d'un intermède dans ma recherche. Ce que je n'avais pas planifié, mais qui était destiné à se produire, c'était l'arrivée soudaine des hommes du Capitaine Crochet, convaincus que les sirènes ne pouvaient s'emporter de la sorte que pour le fameux Peter Pan. Voilà donc comment votre fidèle serviteur se retrouva ficelé à un mat de bonne grâce, suivant les déboires du maître des lieux avec une fascination et un amusement qui frôlaient le sadisme.

▬ Taisez-vous, monsieur Mouche! Alors, savez-vous nager ou ne le savez vous pas?!?!▬ Enough, Mister Smee! So, can you swim?!?!



▬ J'aimerais bien vous répondre, mais sans un essai je craindrais de vous mentir par mégarde. Je ne souhaite pas vous confondre, après tout.▬ As much as I'd like to answer, I can't say for sure without trying. I don't want to lie to you, Captain Hook. I'm an honest man!



▬ Je vais le--!!!▬ I will--!!!



Brandissant son crochet, le Capitaine faisait les cent pas sur le pont, la moustache hérissée et les pans de son manteau cramoisi claquant à chaque revirement. Chacun de ses pas tapait sur le pont avec un peu plus d'acharnement que le précédent et son regard noir était révélateur de son état, tout comme son visage rougis de frustration. On aurait pu croire que de la fumée s'apprêtait à sortir de ses oreilles sous le regard du pauvre et bon Monsieur Mouche, resté en retrait, ses petites mains occupées à jouer timidement avec ses doigts.  

▬ Mais Capitaine, nous pouvons aussi le...▬ But Captain, we could...



▬ Silence! S'il ne peut pas sauter, alors ce sera le pistolet!▬ Silence! If he doesn't want to jump, it'll be the bullet!



▬ Merveilleux! Vous êtes si bienveillant. Je serai mort dans l'instant et ne sentirai pratiquement rien, c'est si généreux. D'autant plus que c'est vous qui serez coincés avec l'odeur de poudre et le pont souillé. Un tel sens du sacrifice pour mon bien, je suis honoré!▬ Wonderful! You are such an honorable man. I'll be dead before touching the ground, free of any pain. If that wasn't enough, you will have to deal with the smell of canon powder and with my blood all over the place, your sense of self-sacrifice is worthy of recognition. I am sincerely honored!



Le visage virant à l'écarlate et me tournant le dos, la fureur animait sa silhouette maigre et furibonde. Je le poussais peu à peu dans ses derniers retranchements. Se tassant un peu plus dans son coin, Monsieur Mouche semblait prêt à aller se réfugier dans la cale avec les autres hommes d'équipage, effrayé par leur chef qui était sur le point d'exploser avec véhémence. Revenant vers moi à grands pas, son regard n'était plus que folie et ses mimiques saccadées luttaient pour ne pas m'étrangler sur place. Mon regard d'or fondu brillant d'enthousiasme, mes lèvres ricanant de la tournure des événements, j'admirais son brillant crochet d'argent se rapprocher dangereusement de mon visage pour venir m'invectiver. Ce pirate de second ordre était pour le moins divertissant!

▬ Tout homme ayant mis le pied sur ce bateau a apprit à me craindre et il en sera de même pour toi, prisonnier!!▬ Everyone on board as learned to fear me and you won't be any different, prisonner!!



▬ Oh, bien sûr soyez sans craintes, je supplierai. Pitié, pitié! Que l'on épargne mon humble existence! Est-ce suffisamment crédible ou dois-je crier plus fort? Des larmes peut-être?▬ Of course, do not fear, I shall cry your name. Oh please, please! Spare my poor and miserable life! Is this enough? Should I cry or perharps am I not being loud enough?



▬ RAAAAAH! MON SABRE! QUE L'ON M'APPORTE MON SABRE! JE VAIS LE TUER MOI-MÊME!▬ AAAARR! MY SWORD! BRING ME MY SWORD! I'LL KILL HIM WITH MY OWN HANDS!



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Aisling
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Ven 9 Oct - 3:18
Le petit garçon qui ne grandissait pas;
« À la file indienne, indienne, indienne ... »

Neverland; ou l'ode d'un monde qui a depuis longtemps cessé de vieillir, faisant de la venue de la Dame de Brume en cet endroit une ironique analogie.

Elle n'était certes pas venue pour des enfantillages ni pour garder pour elle une éternelle jeunesse. Non: ce qui l'intéressait dans cette excursion était nulle autre qu'une fleur; cette même fleur devant laquelle elle était assise, occupée à l'observer attentivement, avant qu'elle ne la démonte pour en ressortir toutes les différentes propriétés.

Quelques coups experts de fusain étaient suffisants pour bien représenter la fleur: d'un doré éclatant en son centre, elle se munissait de pétales se dégradant au blanc le plus immaculé, une faculté luminescente s'en émanant en pulsions lentes et rythmées. La poudre qu'elle contenait, semblable à la poudre des fées vivant plus haut dans les grands arbres ornant les Cascades Arc-en-Ciel. Les attributs de celles-ci contribuaient amplement aux qualités plutôt volatiles de ces fleurs – elles poussaient rarement, à des intervalles de plusieurs mois, et toujours à des endroits différents, ce qui, pour la botaniste qu'elle était, était un défi comme un autre. Le plus grand défi, cependant, concernait les fées en elles-mêmes: elles gardaient jalousement ces fleurs pour elles, à un point où de les trouver et de les étudier en devenait une tâche difficile, éreintant la patience de la Dame de la Brume, qui, outre les remontrances de ces petites créatures, se riait bien de leur comportement hautement possessif.

Ce n'était certainement pas une si petite menace qui allait la stopper dans sa lancée.

Après l'ajout quelques notes précises et propres sur les propriétés supposées de cette fleur, dont certaines avaient été testées seulement quelques mois auparavant, Aisling ferme son petit recueil et le remet dans la poche rectangulaire, parfaitement fabriquée pour l'ouvrage, attachée à sa ceinture, et prend un moment pour regarder, de son perchoir, se fondre le bateau pirate dans l'horizon.

Un soupir accompagne un roulement d'yeux. Évidemment, elle ne pouvait regarder un tel navire sans penser aux Caraïbes dans lesquelles elle s'était plongée depuis maintenant huit ans. Même loin de ce qu'elle considérait aujourd'hui comme un substitut de son chez-soi, y penser n'était que trop facile.

Elle appréciait cependant le silence de ce monde féérique, ici, en ce moment. Des réminiscences guettent cependant le pas de son esprit; fut un temps où la quête de plantes diverses était une expérience plus enrichissante. Fut un temps où elle ne serait jamais partie seule, où, animé par une soif grandiose de connaissances, un jeune homme aux cheveux immaculés l'aurait suivi, l'aurait écouté.

Un jeune homme en contradiction totale avec l'homme qui, ce matin, s'était présenté sans le moindre avertissement à sa porte, proposant de lui tenir compagnie sans plus de cérémonie alors qu'elle se préparait à partir.

Bien sûr qu'elle allait refuser. Bien sûr qu'elle ne voudrait pas de lui. Oh, elle pouvait bien se passer de lui, sans problème, même. À chaque retour, ceux-ci espacés de plusieurs mois, voire plusieurs semaines, elle finissait toujours agacée, tourmentée par tant de sentiments contradictoires; d'amour et de haine, d'indolence et de sensibilité.

Elle détestait ça.

Ainsi était-elle partie, seule, espérant prendre congé de cette nuisance insolente, enrageante, enivrante, éprenante.  

Qu'importe.

D'une main habituée, elle s'empare d'une petite fiole reposant dans sa gibecière et laisse ses doigts agiles effleurer les pétales de la fleur, penchant légèrement sa tige pour laisser se déverser sa poudre dans le verre.

Il ne restait plus qu'à s'emparer de la fleur et de repérer ses semblables.

En théorie, ce n'était rien de difficile. Cependant, elle eut rapidement vent de l'écho de rires s'approchant de son emplacement. Aisling relève la tête, pose ses yeux en bas du précipice.

Pan. Bien sûr. Il vole, là, en bas, laissant dans son envolée de la poussière de fée retomber sur les feuilles des arbres, suivi, bien évidemment, par sa fidèle acolyte. Clochette n'était jamais bien loin. Que pouvait causer une telle crise d'hilarité au jeune homme?

Elle le saura bien vite – le garçon file dans sa direction, l'ayant sans l'ombre d'un doute remarquée. Il s'arrête devant elle, les pieds toujours en l'air, sans même demander son nom ou quoi que ce soit. Ses premières paroles, parsemées de ses rires, expliquent directement la situation:

▬ Le nouveau prisonnier de Crochet, il est trop hilarant! Je dois aller chercher les garçons, ils doivent voir ça! Tu le connais?▬ Oh man, Hook's new prisoner is amazing! I need to get the Lost Boys, they need to see this! Do you know him?


Aisling fronce les sourcils. À quelques centimètres de l'épaule de Peter, Clochette la regarde et fait la moue. Jalousie, quand tu nous tiens. Aisling entrouvre ses lèvres, cherche ses mots, avant de l'interroger à son tour.

▬ Pourquoi le connaîtrais-je? ▬ Why would I?


▬ Il y a rarement de nouvelles personnes à Neverland! Vous êtes arrivés au même moment, alors… Enfin! Tu peux aller voir, ils sont sur le bateau!▬ Well we don't get a lot of visitors, here, in Neverland! You two arrived pretty much at the same time, sooo... anyway! You can go and see for youself, they're on their boat!


Il part sans demander son reste, imitant un cri d'animal pour alerter sa bande, au passage.

Évidemment qu'elle n'a pas besoin de chercher une explication longtemps; ça ne peut être qu'une personne, considérant les informations données par Pan. Et cette soudaine réalisation laisse un goût amer dans la bouche de la Danseuse des Ombres. Il l'aurait suivi.

Bien sûr qu'il l'aurait suivi. Que pensait-elle?
Il n'allait certainement pas la laisser s'éclipser de sa poigne sans mot dire. Ce n'était pas Noctis, après tout. Il allait la suivre, s'enquérir sur sa situation, l'agacer jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus et repartir comme il était venu.

Il était temps d'aller investiguer sur ce soi-disant prisonnier. Aisling esquisse quelques pas de danse; disparaît dans l'ombre.

Et, évidemment, du haut du mât, elle put assister incognito à la tirade de Noctis, qui, évidemment, était bien là, à se payer la tête de Crochet et de son équipage, et, évidemment, était menacé de mort par celui-ci.

▬ JE LE TUERAI MOI-MÊME!▬ I WILL KILL HIM MYSELF!


▬ Ne vous en déplaise, Capitaine, la seule qui lèvera une main sur cette insoutenable et hâbleuse imitation d'un corsaire sera nulle autre que moi-même.▬ With all due respect, Captain, the only one who will lay a hand on this insufferable, prattling excuse of a corsair will be myself.


Deux, trois pas de danse et la voilà à la vue de tous.

À cette soudaine voix inconnue s'élevant dans les airs, le matelot chargé d'apporter le sabre du valeureux Crochet, fier comme un paon, se stoppe net dans son élan, le regard sur cette apparition sortie tout droit de nulle part.

Une femme.

Oui, une femme.

Une femme qui allait casser le cou à quiconque oserait s'approcher d'elle de trop près. Ces pirates ne devaient pas tant être différents de leurs cousins de Port-Royal; et Grianghal sait à quel point la Dame de Brume ne se faisait point courtisane et encore moins femme de joie.

Le dernier avait fini noyé dans sa propre salive, ayant malencontreusement et assez soudainement ingéré la racine d'une plante hautement sialagogue. Il l'avait cherché.

Et elle s'étale à la proue, au soleil excessif, sa pâleur reflétant en voiles nacrées l'expression furibonde ornant son visage de marbre. L'opalescence de son regard ne croise qu'à peine celui de l'antagoniste tant ils sont rivés sur le visage tout sourire du bâillonné, qui, à première vue, semble bien s'épivarder, faisant fi de sa situation certes beaucoup moins périlleuse qu'elle ne le paraît.

Il est désespérant.

Figés, donc, les marins la regardaient comme ils contempleraient les nuages menaçants avant une tempête.

▬ Ne fut-ce pas que j'aie encore une once de sympathie pour ta personne, Noctis, je te laisserais volontiers sur le mât à la merci de ce pitoyable équipage. Maintenant, fais-moi plaisir et cesse tes enfantillages; tu m'as assez fait perdre de t—▬ Wasn't it from the small trickle of fondness I still have for you, Noctis, I would have left you tied to the mast at this pitiful crew's mercy. Now, do me a favor cease this foolishnesss; you've made me lose enough time alr—


▬ PITOYABLE?!?▬ PITIFUL?!?


Une réaction si lente de la part de Crochet ne pouvait signifier qu'une chose: sa rage montait, tranquillement, lui coupant le souffle momentanément avant qu'il ne puisse verbaliser ses sordides réprimandes. Aisling, le regard hautain, le nez légèrement pointé vers le ciel, pose ses iris sur l'homme après avoir penché la tête. L'agacement peignait son visage – elle n'avait jamais aimé se faire couper la parole.

▬ Oseriez-vous me contredire? N'est-ce pas votre équipage qui se laisse berner sempiternellement par de simples enfants?▬ You would dare tell me I'm wrong? If I am not mistaken, aren't your men and yourself constantly deceived by mere children?


Oh, ce n'était certainement pas son premier voyage en ces terres écartées en huit années. Si, parfois, Aisling restait plusieurs jours entre les forêts denses de ce monde figé à étudier sa flore, observant, telle l'Ombre de jadis, les silhouettes qui le peuplaient. Comment ne pas remarquer l'éternelle guerre entre les enfants et les adultes, cette guerre qui, dans sa grande futilité, se terminait toujours avec le même vainqueur, par des simagrées toutes plus saugrenues les unes que les autres?

Ce commentaire eut son effet escompté sur le pirate, qui, après avoir enfilé un visage tout aussi écarlate que son veston, tapa de plusieurs coups le sol, avant de s'avancer vers l'ingrate qu'elle était, la tête légèrement penchée, un sourcil arqué. Que pensait-il accomplir en s'avançant ainsi? Pensait-il qu'elle allait fuir? Sottises.

À ce rythme, seulement maintes nouvelles provocations attendaient le pirate.

▬ Oh, Mademoiselle, vous devriez faire attention, sinon—▬ Careful what you say, lass, or else—


▬ —Sinon quoi?▬ Or else what, exactly?


Une réplique cadencée à quoi elle ajoute des pas de son cru, rapides, glissant gracieusement du mât de beaupré, finissant le tout par un saut sur le pont du navire, à la rencontre de l'énergumène rougeoyante qu'était Crochet. Celui-ci a un mouvement de recul, bien sûr – il ne s'attendait pas à ce qu'elle le provoque aussi ouvertement. Elle est une femme, après tout. Elle est fragile, après tout. Tch.

Elle approche son visage de Crochet, la rage qui avait habité celui-ci des secondes auparavant laissant place au plus pur des stoïcismes, oscillant même vers le désintérêt le plus prononcé. Et elle tourne autour de lui, ses pas rythmant les syllabes de ses mots.

▬ Laissez-moi deviner… Votre équipage sera chargé de me bâillonner comme vous l'avez fait à ce pauvre imbécile, ou mieux; je subirai le supplice de la planche, laissée à la merci de ce crocodile qui vous fait tant malheur.▬ Let me guess… Your men will tie me up as they did to this idiot, or, no, I know; I will walk the plank, left to drown with that dreadful crocodile you fear so.


Théâtrale, aux derniers mots, elle s'éloigne, une main tentant d'atteindre le ciel, puis tombant sur son visage, son majeur effleurant son nez alors que sa tête se penche vers le sol. Mais elle la relève, vivement, continuant ses palabres, sa main explosant de son faciès, flottant à quelques décimètres de celui-ci.

▬ Mais oh, là survient un problème, n'est-ce pas? Je ne suis pas aussi réceptive à vos pantalonnades que lui.▬ But oh, we have a problem, don't we? I am not as receptive to your shenanigans as he is.


Elle laisse glisser ses pieds aux dernières syllabes, se retournant afin que sa tirade finisse d'un regard vers le concerné, son nez plissé témoignant du dédain que lui donnait la situation, prêtant aucune attention à ce soi-disant capitaine grandiose et respecté.
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Dim 11 Oct - 15:54
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« Nous marchons en chantant! »


Ce fameux Crochet était en rage, prêt à m'achever de ses propres mains, à se soulager par la vue de mon sang. La situation m'amusait au plus au point, j'en avais l'impression de redevenir un enfant, si j'avais seulement jamais cessé de l'être. Pourtant, le plat de résistance n'arriva qu'ensuite, sous la forme d'une ombre se dessinant sur le pont, au milieu des spectres des mats et des cordages, sa silhouette faisant obstacle à la lumière. Attendant le moment parfait, probablement, sa voix ne s'éleva que lorsque la réplique cinglante du pirate eu fini de tonner, coupant net l'action pour s'y introduire comme si cela eut été prévu par une quelconque force supérieure. Provenant de nulle part et de partout à la fois, la dame de brume s'annonçait. En quelques paroles, elle s'octroyait le droit de me toucher, le pouvoir d'être la seule à savoir me briser, me peiner, me diminuer. Toi qui parle de moi avec tant d'énervement, réalises-tu seulement toute la sourde jalousie dont tu fais preuve? Non, bien sûr que non. Comme tu es fortunée, si je n'étais pas là pour souligner tes aléas, te serait-il seulement possible de les voir? Rejetant la tête vers l'arrière, c'est vers le haut du mat que je scande ma réponse, la bouche étendue en un sourire malicieux.

▬ Ô Amour! Seriez-vous un ange de la mort, descendue sur cette Terre pour enlacer mon âme en peine? En vos bras, je reposerai à jamais, bercé d'amour et de tendresse!▬ Oh Love! Are thou an angel of death, sent from above to embrace my broken soul? In thy arms I shall rest, loved and cherished for all of time!



À nouveau, je ricane, trahissant tout le plaisir que j'éprouve à jouer ainsi. C'est avec peine que je tente d'être silencieux, je tends l'oreille, le coeur sur la corde raide alors que j'espère sa réponse. Quels mots me renverra-t-elle avec son énervement toujours aussi prononcé? Quel air prendront les traits de son visage, plus doux que la porcelaine et plus meurtriers que le fil d'une lame? Le suspense est d'or, ma respiration retenue, un silence dans la musique avant qu'elle ne me revienne tout en magnificence, à la proue du navire. L'astre solaire tombe cruellement sur la femme, déversant sa lumière sur une maigre silhouette vêtue de blanc. Si certains prétendent que les monstres sont plus effrayants au coeur de la nuit, c'est qu'ils ne les ont jamais vu se tenir en plein soleil. Fragile comme un mirage, droite telle la Dignité elle-même, son regard d'opal me foudroie alors que je semble soudainement remarquer le moindre des détails qui la compose. Les joues un peu creuses, l'air fatigué, ne retirant pourtant rien à la menace qu'elle représente. Sa chevelure est de neige, mais ne fond pas. Son teint est de lait, mais ne se réchauffe pas. Son regard devrait être pâle, mais il m'apparaît d'un bleu clair, azuré et tacheté de brun, dans le bas. Envoûtant, il semble me détester et me juger autant qu'il me réchauffe, presque au point de me brûler. C'est ainsi que devraient être toutes les passions, sans pitié. C'est ainsi que devrait être la mort, destructrice. Aisling incarne tout cela avec un brio impitoyable et, en cet instant c'est elle, la faucheuse. Alors comment puis-je me rire d'elle aussi facilement, en ricanements étouffés et en regards brillants? Sans doute parce que les choses sont tout de suite moins effrayantes, lorsqu'on leur a déjà survécu par deux fois.

Tombe enfin la sentence. Si la dame n'avait pas tant de sympathie pour ma personne, c'est volontiers que je serais abandonné derrière, attaché à ce mat. Certes, mais si tu n'avais pas cette sympathie, tu ne serais pas non plus ici. Est-il donc si nécessaire de me répéter l'évidence ou le fais-tu simplement pour tenter de me faire ignorer tes motivations? Dommage, l'on ne saurait tromper l'oeil d'un magicien. Mon oeil est vif, mon esprit brillant, je vois chacun de tes pas te pousser dans mes bras et aucune des paroles que tu formuleras ne saura me faire croire le contraire. Il est temps de cesser ces plaisanteries, il est temps... Rupture du rythme, comme un faux accord, un grincement sur les cordes du violon. Le maître des lieux poursuit son petit numéro, mais mes iris d'or fondu ne savent plus se détacher de la silhouette dansante qui approche en ballets graciles. Je laisse faire, j'observe, je me laisse rêver. Je ne saurais l'expliquer, mais la voir évoluer de cette façon en détours précis et pourtant si éthérés, ce fut toujours pour moi source de maints émerveillements. J'en suis presque surpris, lorsque ses nombreuses arabesques finissent par la ramener à ma personne.

Le regard est accusateur, presque méprisant, excédé. Si la danseuse n'avait pas été aussi noble, j'aurais pu craindre que l'on me crache au visage. Malgré cela, je soutiens son regard sans faiblir de mes joyaux de miel. Le dos appuyé nonchalamment au mat, une jambe croisée derrière l'autre, une dague légère sautant dans ma main alors que je joue sans regarder, la lançant, la rattrapant et la faisant danser entre mes doigts d'habitué. Tout autour du mat, telle une écorce, est toujours enroulée la corde. Dommage qu'il n'y ait jamais eu de prisonnier pour justifier sa présence. C'est bête, comme les corsaires sont distraits de nos jours. Plaît-il? Mais voyons, moi, m'amuser de quelques hallucinations? Jamais, voyons. Ce ne serait pas loyal et encore moins correct. Peut-être n'est-ce pas si tiré par les cheveux, réflexion faite.

▬ Il n'y a pas eu préjudice, très chère, il est donc inutile de vous montrer si agressive. J'ai été très sage, mes jouets sont encore comme neufs et je suis même prêt à les partager. N'est-ce pas impressionnant?▬ No harm has been done, my dear, no need to be so stubborn and agressive. My toys are still brand new, I'm even sharing them with you. Are you not impressed?



Que ce soit le cas ou pas, le troisième joueur de cette rencontre, laissé à son compte, a les moustaches qui retombent en même temps que sa mâchoire. Le répit est pourtant de courte durée puisqu'il saute à nouveau presque aussitôt, tel un ressors qui saute pour attraper le ciel.

▬ Mouuuuuche!! N'étiez-vous pas chargé de l'attacher?!?!▬ Smeeee!! Weren't you supposed to tie him up?!?!



▬ Mais il l'était, ca-ca-ca...▬ But I did, ca-ca-ca...



Je pourrais presque m'en vouloir de causer tant de problèmes à ce pauvre intendant, ou esclave, je m'interroge toujours. Que dis-je, serais-je un être capable de remords? C'est bien ce que je me disais. Trêve de bavardages inutiles, le pirate de seconde zone en a fini de se laisser faire sans tenter de riposter. Toujours est-il qu'il a au moins compris qu'il ne pouvait gérer la situation seul, c'est un bon début.

▬ MAIS FAITES QUELQUE CHOSE BANDE D'INCAPABLES, QU'ATTENDEZ-VOUS?! BATTEZ-VOUS OU C'EST VOUS QUE JE JETTE À L'EAU!!!▬ DO SOMETHING YOU MISERABLE LOT, WHAT ARE YOU WAITING FOR?! FIGHT OR YOU'RE THE ONES GETTING THROWN OVERBOARD!!!



Des entrailles du vaisseau montent alors foule d'épées, de dagues et d'armes diverses. Ils avancent vers nous avec précautions rustres et maladroites. Je ne puis les en blâmer, pour des êtres tel que nous, tous semble se mouvoir aussi bien qu'un saumon hors de l'eau, après tout. Ma poigne se referme finalement sur le manche de mon arme, cessant ces va-et-viens aériens. Il n'est plus l'heure des jeux distraits. Non, le temps est plutôt aux divertissements engagés, passionnés, meurtriers. Vibrant de malice, mon regard accepte de se résigner, de se tourner vers les marins. Quel dommage, que de ne pouvoir l'admirer se mouvoir plus longtemps. Ce n'est que partie remise.

▬ C'est tout de même plus amusant que de cueillir des fleurs, non?▬ You'll have to admit that it is more engaging than mindlessly collecting flowers, isn't it?



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Dim 18 Oct - 18:43
Le petit garçon qui ne grandissait pas;
« Always expect the unexpected. »

Bien sûr. Jamais ses illusions n'allaient cesser d'impressionner la Dame de Brume, qui, à la vue d'un Noctis totalement délié, ne peut s'empêcher de métamorphoser un regard courroucé en une certaine admiration, celle-ci s'immisçant cependant à merveille dans une nouvelle grimace agacée, une fraction de seconde plus tard.

Sa fureur dépasse la moindre diatribe qu'elle aurait pu lui lancer; elle reste ainsi dans le silence à l'observer, à percer son âme, se perdre momentanément dans le reflet de sa chevelure immaculée contre les rayons virulents de l'astre brûlant au-dessus de Neverland.

Le voilà encore, le fabuleux Noctis, l'illusionniste né, l'enfant prodige, secouant ses jouets d'une main enfantine, mais à la fois experte, se riant bien de ce que les autres pourraient bien ressentir, tant que lui s'amusait. Sans l'ombre d'un doute savait-il qu'il lui faisait perdre de précieuses minutes de son temps. Mais Noctis s'en rit, car Noctis ne veut que satisfaire sa personne au détriment des autres. Cet homme est implacablement égoïste, et pourtant…

Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se perdre en lui; de revoir à la fois l'homme acerbe et manipulateur qu'il était devenu et l'enfant qu'elle avait jadis recueilli comme l'aurait fait une mère. Elle voyait en lui l'élève qu'elle avait éduqué, celui avec qui elle s'était longtemps perdue dans des recherches effrénées, celui qui avait été un jour si important pour elle.

Ne l'était-il pas encore?

Après tout ce qu'il lui avait fait, après tout ce que ses actions avaient engendré, après toutes ses remarques désobligeantes, toutes ses moqueries, tout le contrôle qu'il exerçait toujours sur elle à chacune de ses moindres visites dans sa demeure, comment pouvait-elle encore l'apprécier? Comment pouvait-elle encore le considérer comme un être cher, comment pouvait-elle avoir tant envie de sa présence?

Aisling se meut dans les antipodes et respire les dichotomies. Elle lui crache ses antithèses au visage, se cachant derrière de fausses vérités, de vrais mensonges; elle aime le maudire comme elle se maudit de l'aimer et se perd dans la progression spiralaire de ses propres divergences.

Et ça lui fait mal; ça lui fait mal autant que ça lui fait du bien de le voir, à chaque fois qu'il franchit la porte de son antre; ça lui fait mal à quel point ça l'apaise, à quel point malgré l'irritation profonde qu'elle ressent à chacune de ses visites, de le voir là, encore vivant, réussit à la plonger dans de sinueuses chimères.

Il est là à jouer avec sa dague, un sourire narquois animant ses traits alors qu'il se joue à nouveau du pauvre Crochet de nouvelles paroles lancées sur un ton théâtral – comment pourrait-ce en être autrement? – alors que celui-ci fulmine de plus en plus, appelant à lui ses sbires pour qu'ils en finissent avec ces deux ignorants – parce que oui, elle aussi faisait bien partie de ceux qui avaient osé douter de sa contenance – qui osaient poser les pieds sur son navire. Aussitôt se plaît-il à venir à ses côtés alors qu'affluent de la cale les pirates scandant à leur prochaine victoire, animant bien sûr la conversation d'une remarque sur ce qu'elle était venue faire en ces lieux.

Prévisible.

Une expiration s'extirpe de ses lèvres, sifflement trahissant un certain amusement. Si celui-ci concernait ses paroles ou la situation, là reste encore une chose discutable.

▬ Une fois que lesdites fleurs auront sauvé ta vie, on verra bien si tu oseras répéter ce genre de remarques.▬ Let's see if you will still have the guts to repeat these words when these flowers will have saved your life.


Immuable, elle fixe chacun des marins droit dans les yeux, sondant leur âme, éclipsant les idées sordides qu'ils pourraient avoir à leur égard. Ils semblent manquer de confiance, tenir leur arme maladroitement, leurs yeux appréhendant immanquablement cette fin qui semble si évidente.

Pour l'instant, nul besoin d'une arme. Elle fera avec ce qu'elle connaît le mieux. Ses bras s'animent de mouvements circulaires alors que ses doigts se munissent d'une sinueuse volute noirâtre serpentant doucement entre ses phalanges. Un haussement de sourcil et un dernier regard, de biais, qu'elle accorde à Noctis dans la lumière claire de Neverland sont les seuls annonciateurs de ses paroles, murmure se mariant au vent, ses cheveux dansant aisément dans les courants d'air.

▬ Voyons voir si tu te débrouilles aussi bien qu'autrefois.▬ Now, let's see if you are as skilled as you once were.


Il suffit d'un clignement avant que sa silhouette ne disparaisse, se transposant dans les imposantes ombres des filages et des mâts, entre les voiles immaculées du navire et les corps grouillants des matelots. La Danse des Ombres enclenchée, Aisling forme son propre rythme, se meut au fil des silhouettes qui se plient à sa volonté, leur noirceur l'accueillant comme l'aurait fait une vieille amie.

À ses côtés, les arabesques ténébreuses s'accumulent et elle reconnaît sans mal l'essence de Noctis, qui, lui aussi, suit le rythme formé par leurs ténèbres communes. À leurs pieds, les matelots viennent choir au sol; tués ou désarmés, leurs armes tintant durement contre le pont du navire, sous les yeux effarés de ceux que la tempête tarde à atteindre. Les Danseurs s'extirpent des ombres tels des mirages, frappant de leurs coups précis, leurs pas dansant cette chorégraphie se créant au rythme de leurs improvisations, la houle dérangeant aucunement leur lancée. Ils sont en parfaite synchronisation, en parfaite symbiose; les années, malgré leur inexpiable passage, ne pouvaient rompre ce Lien qui s'était déjà formé, bien malgré eux, malgré quelque rejet aurait-elle pu avoir exprimé.

Et ils s'arrêtent au centre du pont; leurs dos s'effleurant, leurs regards sur les pirates tombés de leurs coups et sur ceux qui, sous les menaces de Crochet, continuent d'avancer à contrecœur vers eux, sous l'appréhension d'une menace supposément bien pire que celle qu'à eux deux ils représentaient. Une seconde en suspens, un temps d'arrêt, un souffle avant que leur symphonie ne recommence, qu'ils se croisent une fois retournés, l'un se dirigeant vers la proue et l'autre vers la poupe.

Il n'y avait rien d'amusant pour elle dans une telle routine; ce n'était rien de plus qu'un entraînement, quelque chose qui depuis longtemps elle n'avait pas eu l'occasion de faire. Son but n'était pas ici d'assassiner qui que ce soit, ni même de porter une quelconque blessure: ses mains cherchaient les points de pression, ses Ténèbres choquaient en vagues épaisses les cous ou les thorax des pirates, cherchant ainsi à leur faire perdre conscience avant tout; surtout à les mettre momentanément hors d'état de nuire.

Elle jurerait entendre dans les ombres les rires de Noctis, jurerait l'entendre passer maints commentaires sur sa manière de faire; mais Aisling n'a jamais tué sans une raison valable.

Les jeux de Noctis, pour elle, n'en étaient pas une.

Entre les ombres elle entendait toujours Crochet les maudire de tous les noms, criant à ses sous-fifres de les exterminer, de les mettre en morceaux, le visage rougeoyant, la moustache bien hérissée. Il avait cependant pu trouver son arme dans la mêlée, cherchant lui aussi, assurément, à atteindre les inatteignables ombres qui se mouvaient; de l'eau entre les doigts, de la fumée volatile et disparate.

Il devait faire pitié: maintes fois battu à son propre jeu par de simples enfants, maintenant retrouvé devant une vraie menace, il ne devait trop savoir comment réagir.

C'est bien ce qu'elle aurait voulu penser; ce qu'elle aurait aimé penser. La vérité était tout autre, cependant: celui-ci avait déjà collaboré avec d'autres, conversé avec des têtes tout aussi ténébreuses que la sienne; certainement avait-il dû apprendre quelques astuces d'une dragonne sous le déguisement d'une femme ou même d'une femme au corps de pieuvre. Crochet est fourbe. Il veut en finir et passera par tous les moyens pour le faire, même les plus drastiques. En quel jour laisserait-il son orgueil déjà cruellement atteint se faire piétiner à nouveau par des étrangers?

La Dame de Brume se meut avec grâce et allégresse, reportant les coups de ses ennemis contre eux; une bande s'était formée devant elle, et, impitoyable, elle frappait par vagues ténébreuses, guidant ses mouvements de pas cadencés alors que les marins tombaient, que d'autres arrivaient. Elle se mouvait dans leurs ombres à la poupe, remontant les escaliers, passant outre le gouvernail, ondoyant de nouveau entre les corps qui sont tombés et ceux qui restent.

Entre ses bras s'extirpent Ténèbres dans ses mouvements; des gouttes de sang perlent dans le soleil, mais n'a-t-elle pas blessé personne?  

Son corps se fracasse à un autre. C'est lui, lui qui vient de l'intercepter et qui l'empêche de continuer. Il est apparu devant elle, et s'est une nouvelle fois emparé d'elle; ses bras l'entourant dans une poigne de fer.

Aisling tente alors de le repousser, ses mains se plaquant sur son torse, mais sa poigne contre elle est inéluctable. Il la tient, il l'empêche – mais il y a plus que ça, plus que de simples provocations contre sa personne: tout est beaucoup trop silencieux. Le rythme a été rompu. Quelque chose ne va pas. Ce n'est qu'alors qu'elle daigne relever sa tête pour croiser son regard. De l'amusement qui l'avait jadis habité, celui-ci prenait une teinte beaucoup plus sombre, lancinante. Il y avait tant de mépris, tant de haine. Déboussolée, elle reste figée un instant, perdant ses yeux dans les siens, tentant de rassembler les pièces; rien n'y fait. Délicatement, sa main droite vient se poser sur son bras.

Que se passe-t-il…?

▬ Noctis?
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Mar 20 Oct - 17:10
Le petit garçon qui ne grandissait pas.
« Prelude to the fall. »


Nos regards se croisent en un temps d’arrêt partagé, un petit instant d’éternité qui n’appartient plus qu’à nous alors que, tout autour, le pont est toujours en ébullition. Mais qu’importe, si nous ne le regardons pas, c’est comme s’il n’avait pas lieu d’être. Rien de plus que nos iris, nos chevelures jumelles. Nous avons, bien que tel constat serait sans doute plus que déplaisant pour ma tutrice, de nombreuses ressemblances. Que ce soit notre accent, notre manière de nous tenir ou de discourir, tout semble trahir ce passé qui nous attache l’un à l’autre, qui nous empêche de nous quitter pour de bon, quand bien même nous l’aurions tous deux souhaité. Passe furtivement sur son visage un éclat de surprise ou, plus simplement, d’admiration. Une faible lueur, semblable à celle qui pulsait juste un peu plus tôt dans mes orbes de miel. Évasive, rien ne m’empêchera toutefois de la saisir au vol et de m’en délecter, un peu plus satisfait qu’auparavant. Notre respect est mutuel, chacun possédons nos talents et, d’une même façon, nous savons les reconnaître dans cette autre moitié de nous-mêmes. Tristement, les pirates du pays imaginaire ne sont pas aussi sensibles que nos âmes raffinées à ce genre de choses, bien au contraire. Crochet fulmine et il réclame vengeance. Qu’il vienne, il me fera grand plaisir de lui arracher de mes mains le peu de crédibilité qu’il lui reste, à supposer qu’il en eut jamais eu.

Viennent dont finalement les matelots, armés de fer, mais pas de courage. Voilà ce qu’il advient de la main d’œuvre bon marché, celle qui suit par dépit plus que par envie ou par soif d’aventures. Ce ne sont que des couards qui regardent par-dessus bord et pèsent le pour et le contre. Peut-être devraient-ils sauter eux-mêmes? Leur vie compte bien plus qu’un quelconque honneur, ce dont je ne peux pas réellement les blâmer. Au moins ils auront eu l’intelligence de se méfier, mais cela n’aura pas suffit. Mieux que de ramasser des fleurs, sont les mots que je lance entre deux ricanements amusés. La réponse est courte et directe, je ne fanfaronnerai plus autant, lorsque ces mêmes plantes s’avéreront salutaires. Permet-moi un peu de scepticisme tout de même, très chère.

▬ Oh, je le ferai. Il n’est aucune blessure qui me réduira au silence!

Arrachés l’un à l’autre, nos regards tombent sur les pirates de bas étage. Le bal va bientôt commencer. Que dis-je, n’entendez-vous pas les premières notes? Un premier mouvement, un dernier échange rapide. Si je me débrouille aussi bien qu’autrefois? Il ne sera pas utile ici de répondre, autant laisser mes mouvements s’exprimer pour moi en une sonate sombre, destructrice, fatale. Nous nous séparons en volutes obscures, nos pieds glissant sur les planches du navire, nos bras canalisant l’énergie sombre, comme une pulsation. C’est l’incarnation de la nuit qui se meut avec nous, qui murmure un doux chant à notre oreille et qui, bientôt, devient aussi naturelle qu’une respiration. Les hommes foncent vers nous, mais c’est une puissante lame de fond qui les happe, les projetant plus loin en cris de douleur, le bras se refermant sur leur abdomen alors que leurs voix résonnent telles des plaintes d’agonies. La vie quitte leur corps, les désertant comme des rats fuyant une grange enflammée. Bon, j’exagère peut-être un peu, mais avouez que c’est tellement plus classe comme cela.

Nos deux silhouettes dansantes travaillent en chœur, se répondent en pas instinctifs, comme une harmonie palpable qui s’insinue entre nous en variations obscures. Rappelés l’un à l’autre par la force du refrain, c’est un nouveau temps d’arrêt qui se fixe alors que nos dos s’effleurent, que l’ombre retombe tel un soupir. Les combattants s’immobilisent, incertains. Doivent-ils en profiter ou sommes-nous en train de préparer quelque chose? Sots. N’entendez-vous pas le chant de la guerre, le crescendo des assauts, l’allegro de nos pivots et nos coups en arpèges? Nous ne sommes points des combattants de pacotilles. Le combat est un art, une danse, calculée et précise comme le battement de la mesure. Résonnent de nouveau les violons invisibles, fantomatiques dans l’air chaud et quelque peu humide du pays imaginaire. L’enthousiasme me soulève, m’entraîne et le rythme se fait plus puissant, se gonfle et tourne avec moi, s’arrête, repars et surtout frappe. Rien ne saurait me priver de ce bonheur, rien ne pourrait fausser ce paysage musical aux couleurs acérées. Sans doute est-ce cela que d’effleurer le bonheur. Que dis-je, à m’entendre rire ainsi, ce ne peut-être que cela.

▬ Allons, il faut suivre le rythme! Plus ferme la poigne sur votre épée. Suis-je sensé vous craindre? Il vous faudra pour cela plus de conviction mon ami. Attention, votre lacet est défait!

Depuis combien de temps n’ai-je pas profité d’une joute comme celle-là?  Certes, les bagarres sont fréquentes, dans les tavernes de la Tortuga, mais faire l’usage de notre talent est loin d’être recommandé. Sentir toute cette puissance déferler, m’effleurer, c’est grisant. Ce l’est d’autant plus lorsque je sais qu’un seul faux mouvement pourrait me coûter très cher. Une puissance de cet ordre peut facilement se retourner contre son utilisateur, si elle n’est pas traitée avec la plus grande des précautions. Il faut la suivre, simplement la guider et accepter de se plier à ses fluctuations symphoniques. Il n’y a pas d’autre secret, véritablement, et pourtant. Il faut presque toute une vie pour mener à bien cette Danse des ombres. Quel délice, de voir que tous ces efforts en auront valu la chandelle. Du moins, je crois que cela suffit et, durant toute la partition, j’en demeure convaincu. C’est lorsque je ressors des ombres, derrière un nouveau groupe de marins tremblants et intimidés, que l’on vient me rappeler à l’ordre. Crochet.

▬ N’est-il pas un peu trop tôt pour célébrer? Voyons voir maintenant, qui est le plus pitoyable de tous! Regarde, insolent! Le poison s’insinue déjà en elle.

Que veut-il dire? Mon regard d’or fondu, instinctivement, cherche la silhouette blanche et immaculée d’Aisling. Elle devrait valser dans les ténèbres en éclats de neige et de suie, sauf que ce n’est pas le cas. Une troisième teinte s’est invitée à la mascarade, tâchant son être de carmin. Il y en a trop pour que cela vienne d’un marin, le doute n’est pas permis. La blessure est sienne. Froncement de sourcils, un petit grondement dans le fond de la gorge et, en un pas impérieux, une nouvelle disparition dans les ténèbres. Pourtant je n’ai pas bougé, pas véritablement, je me contente de marcher, directement vers elle en un pas décidé, sans détours. J’avale la distance nous séparant de grandes enjambées féroces. Je ne veux simplement pas être dérangé dans ma progression et ne le serai pas, force invisible qui tuera sur son chemin tout homme qui tentera de l’entraver. Ma silhouette ne réapparaît que lorsque j’ai gagné ses côtés et que mes bras l’enlacent, la pressant contre moi pour la forcer à l’immobilité. Ne l’a-t-elle donc pas senti, tout ce sang qui coule en son dos jusqu’à son bassin en sillons de vie la quittant? Comme si la dame de brume n’était pas déjà amplement maigre et décharnée, voilà qu’une blessure de plus vient s’ajouter à cette triste et déplorable collection.

Lorsque son air interrogateur se relève vers moi, mes propres traits demeurent évasifs. Si mes lèvres tentent de lui offrir un sourire désolé, mes iris d’ambre incandescents sont pour leur part durs et fermes. La responsabilité me revient entièrement, si je n’avais pas laissé ce capitaine me prendre pour otage et si je n’étais pas adossé patiemment à ce mat en attendant que les choses deviennent finalement intéressantes, la joute n’aurait pas eu lieu et le coup n’aurait pas été porté. Mais que dis-je. Ce sont les risques de la vie que nous avons choisi de mener. Ne sommes nous pas des Shadow Dancers? C’est d’un ridicule. Commencer à douter ainsi, à regretter l’affrontement? Il semblerait que le temps m’ait bien changé. Ma main s’enfonce dans sa chevelure aux filaments d’ivoire en un geste rassurant et protecteur, affectueux, laissant mon pouce caresser sa joue au passage.

▬ Inill, Ansam. (Doucement, ma plus précieuse.)

▬ Ha ha ha! Vous voilà remis à votre place! Alors, on veut toujours faire les fanfarons?!

Ne pas lui répondre. Je ne dois pas lui répondre. Si mon attention se détourne un seul instant de celle qui compte véritablement, je ne reviendrai peut-être pas à temps. Mon sang bouillonne et je sens mes mains se faire plus tendues. Il n’y a plus qu’une seule envie qui m’habite, mais je dois la taire pour l’instant, je dois l’étouffer et ne pas me laisser submerger. Entièrement tourné vers mon objectif, je garde une main dans le dos de la dame et passe l’autre derrière ses genoux pour la soulever. Blessée comme elle l’est, Aisling ne pourra pas échapper à ma poigne, pas plus qu’elle n’est en droit de se plaindre ou de rouspéter. Je dois lui trouver un endroit où se reposer en sécurité et, surtout, où m’occuper de ses plaies. Tant d’années passées à torturer autrui et, maintenant, c’est l’inverse qu’il me revient de faire. J’aurais bien pu me passer d’ironie, en ce contexte particulier. C’est sans une parole supplémentaire que je tournoie et que nos êtres s’évanouissent dans l’ombre des escaliers menant aux ponts supérieurs. Lorsque nous nous matérialisons de nouveau, nous sommes bien plus loin, à l’orée de ce qui semble être une forêt. Du regard, je cherche un endroit où la déposer, mais la tâche n’est pas aisée. Si seulement je pouvais la ramener à Port-Royal, là où toutes ses concoctions n’attendent que d’êtres mises à profit, mais je refuse de risquer le voyage. Il va falloir être imaginatif, ce qui tombe bien. N’est-ce pas ma plus grande force?

▬ Non, c’est déjà fini?!

Je me retourne d’un bloc, le regard plus perçant et plus pénétrant qu’à l’habitude, pour trouver un jeune homme à la chevelure rousse et au pied agile, tout de vert vêtu. J’en déduis qu’il s’agit du célèbre Peter Pan, suivit par une petite bande de gamins protégés de fourrures. Ce qu’ils viennent faire ici? Je n’en ai aucune idée, mais je sais tout à fait ce à quoi ils vont bien pouvoir me servir.

▬ Pour l’instant, ma compagne est blessée et je dois régler ceci, avant d’achever ma besogne. Les pirates étant des ennemis communs, je suppose que vous serez disposés à nous aider?

▬ C’est à voir… Tu retourneras voir Crochet avec moi ensuite?

▬ J’irai, avec ou sans vous.

▬ Alors c’est faisable!

Un autre enfant, quelque part au milieu de la peau d’un ours, s’avance timidement hors du groupe pour me faire face et m’adresser directement la parole. Derrière lui, le regard prêt à la réprimande, le suit un blond au costume de lapin. Il est probablement son aîné ou quelque chose de cet ordre. Il est plus réfléchit, probablement. Un bon point pour eux, j’imagine.

▬ Ouais on pourrait toujours!

▬ Imbécile, bien sûr qu’on peut pas! On sait pas guérir les gens nous!

▬ Non, mais je parie que les indiens sauraient!

Oui oui! Les indiens, les indiens! Ahou ahou ahouuu!

Serrant un peu plus le corps de la Dame de brume contre le mien, je me résigne, bien impuissant tout à coup. Cette situation me déplait au plus haut point, mais n’aie craintes, Crochet, je te rendrai la monnaie de ta pièce. Ce sera d’ailleurs sans doute bien plus tôt que ce que tu crois. Oh, comme il me fera plaisir de venir te faire une petite visite, seul à seul. Je t’apprendrai pourquoi tant de gens ont peur du noir. Je t’apprendrai pourquoi tant de gens craignent la nuit et tremblent dès que disparait la lune derrière les nuages. C’est devenu une affaire personnelle.

▬ Les indiens ce sera donc.

Me tournant une nouvelle fois vers la femme reposant dans mes bras, je lui offre un sourire tendre et de douces paroles, espérant la réconforter. La douleur ne tardera pas à se faire sentir, très certainement. Il me faut faire vite. Elle qui m’a tout appris, qui m’a élevé comme un fils. C’est aujourd’hui mon tour de prendre soin d’elle, moi qui lui ait déjà fait tant de mal autrefois. Réussirai-je un jour à payer mes dettes?

▬ Comme tu dois être rassurée, de reposer entre d’aussi bonnes mains que les miennes. Il ne peut plus rien t’arriver, maintenant.

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Aisling
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Mar 20 Oct - 22:15
Le petit garcon qui ne grandissait pas;
« Falling, Catching. »

J'ai peur. J'ai peur, Noctis; qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui arrive pour que cet air habite soudainement ton visage? Quel mauvais augure vient de nous frapper? L'appréhension guette ses traits éburnéens tant la réponse tarde à venir à ses oreilles, mais elle a cessé de se débattre, sait que c'est inutile. Partout où elle ira, il la rattrapera. Elle ne peut courir et ne peut s'enfuir, et pourquoi le ferait-elle? Les lèvres de Noctis s'étirent: un sourire? Certes, un sourire; mais ce n'est en aucun cas l'air qui lui est propre, ce rictus caustique qui le caractérise tant. Celui-ci est différent, difficile à cerner dans sa complexité.

Et son regard se perd dans le sien une seconde de plus, son cœur battant la chamade, empêchant la moindre conscience d'une lésion. Elle va bien. Elle va parfaitement bien, non? Alors pourquoi agit-il ainsi? Pourquoi ne la laisse-t-il pas partir? Sa main se resserre sur son bras, quête vaine d'une réponse de sa part. Noctis ne répond pas et l'adrénaline pompe dans ses veines, anesthésiant le moindre signe que quelque chose ne tourne pas rond.

Et pourtant, oh, pourtant, le sang coule à flots, le sang coule et elle perd en vitalité, perd en force et perd en conscience. Tu faiblis, Aisling, ne le vois-tu pas? Ne vois-tu pas tes forces qui s'évanouissent? Non. Bien sûr que non. Comment peux-tu le savoir, inconsciente que tu es? Une telle blessure ne t'a jamais auparavant affligée et tu ne connais que trop bien les symptômes. Combien de Shadow Dancers as-tu vus revenir, une dague encore plantée dans leur dos, inconscients de la présence de celle-ci même après que tu l'aies noté, même après que tu l'aies retirée? Le corps a de remarquables capacités quand il est question de survie; malgré que cette survie pourrait s'avérer à être très courte si ça continue ainsi.

Nulle réponse ne vient; nulle autre que sa main qui se perd dans ses cheveux, délicatement, son pouce effleurant sa joue comme la plus délicate des attentions, comme si, après toute cette mascarade, il aurait eu peur de la briser; qu'on ne touche qu'à une seule fibre de la cascade immaculée de sa chevelure. Il murmure en sa langue choses inédites, étrangement apaisantes, mais troublantes.

Ne l'as-tu jamais vu agir ainsi? Quand est la dernière fois?

Elle sent son cœur se serrer, sa gorge l'étouffer, l'émotion se figeant en une profonde et lente implosion au creux de son thorax.

S'effritent le bon sens et la compréhension: plus les secondes passent, plus elle sent qu'elle perd le contrôle de la situation. Tout se mêle et s'entremêle, se perd et s'égare, son esprit tortueux n'arrive pas à former des repères logiques, une quelconque explication aux questions qui ne cessent de la marteler au rythme des battements de son cœur. Mais tout est aussi éphémère que sa main qui se place ensuite dans son dos, comme pour la soutenir – mais elle se tient debout, elle y arrive, qu'est-ce qui se passe, pourquoi veut-il tant la protéger? Est-ce bien son intention?

▬  Ha ha ha! Vous voilà remis à votre place! Alors, on veut toujours faire les fanfarons?!

▬  Noctis… Explique-moi, Noctis, je t'en prie. Je t'en prie, Noctis, explique…

Sa voix se veut hâtive, se veut précipitée. Elle est perdue, elle est alarmée. La situation lui glisse des doigts à une vitesse ahurissante, elle qui pensait tant avoir le contrôle. De se rendre compte que ce contrôle n'était qu'une parure fait mal, tellement mal. Jamais n'avait-elle eu le souvenir d'être si confuse; pas depuis longtemps, pas depuis des années.

Et toujours la réponse ne vient pas. Le Danseur des Ombres ne fait que s'emparer de son frêle corps meurtri, une main sous ses genoux lui faisant perdre son équilibre, tomber à la renverse à nouveau dans ses bras alors que ses yeux se posent à nouveau sur ses traits: ils sont tirés par la plus étrange des souffrances, la plus étrange des afflictions. Et elle, elle oh si confuse, ne sait où donner la tête.

Ils disparaissent en de nouveaux pas de danse et elle tente toujours de comprendre, de mettre le doigt sur l'élément manquant, ressentant à peine le liquide écarlate, fumant en pressions arythmiques contre son bassin jusqu'à ses jambes, s'épanchant sans grande retenue.

▬  Non, c'est déjà fini?!

Qu'est-ce que…

Elle connaît bien cette voix; c'est la même que toute à l'heure. C'est cette voix qui lui a annoncé la venue de Noctis dans ce monde. Peter Pan, qui revient avec sa bande, sans doute. Mais aussitôt le jeune homme intervient, son corps encore à quelques décimètres du sol, intéressé et déçu, que la réponse à sa question vient. Blessée? Non. Elle n'est pas blessée... Elle va bien.

▬  Mais je vais bien, Noctis, je… Hnn.

Elle a du mal à suivre la conversation, à poser son regard sur un ou sur l'autre, ou même sur les silhouettes qui sont là, timidement, derrière leur leader, à parler de choses qu'elle n'arrive qu'à peine à cerner. Pourquoi est-elle soudainement si faible? Pourquoi sent-elle ses forces faiblir ainsi? Ses réactions sont lentes; elle ne le réalise qu'à peine, mais tout est plus lent, plus agonisant. C'est anormal.

▬  Comme tu dois être rassurée, de reposer entre d’aussi bonnes mains que les miennes. Il ne peut plus rien t’arriver, maintenant.

▬  Mais non, je n'ai pas de… Je…

Sa tête tangue dangereusement, comme si elle avait du mal à se garder droite, comme si tout s'éclipsait. Pensant que ceux-ci pouvaient répondre à ses questions, Aisling porte son regard opalin sur la petite bande de Pan, derrière lui; un raton laveur, un ourson, deux écureuils et… Un frisson lui prend à l'échine à la vue de ces oreilles machiavéliques, de cette fourrure grisâtre, de cette queue en pompon. C'est un mouvement de haut-le-corps qui l'habite, un soubresaut de l'âme, une peur qui laisse une plainte aiguë percuter le silence qui s'était installé. Mais elle remarque bien vite que ce n'est qu'une peau; ce n'est qu'une peau et non pas l'animal, l'animal est mort, et aussitôt sa panique se calme et s'estompe, laisse place à des souffles entrecoupés d'un rire nerveux, tremblant, oh si tremblant.

Elle a froid. Elle a froid, Aisling, et tremble, maintenant, ses lèvres laissant s'échapper des sifflements chevrotants de ses lèvres agitées de frémissements. Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne va pas du tout, et la prise de conscience frappe telle une dague dans le dos, implacable douleur inédite et encore absente. Son corps tangue vers le sien, s'accroche à lui comme une bouée de sauvetage: ses bras qui avaient jadis reposé sur ses mains, inconfortablement contre elle s'agrippe dans son dos, contre son torse, serrant ses vêtements d'une poigne faiblissant, prise de tremblements violents, ses yeux rivés sur les siens dans une détermination alarmante.

▬  Explique-moi. Je veux comprendre… J'ai froid. J'ai froid, Noctis, j'ai tellement f—f—f…

Temps de réflexion avant qu'elle ne daigne vouloir prendre conscience de son affliction, que son regard ne lâche ses iris mielleux pour se poser sur son corps, sur l'immaculé maintenant cramoisi, sur ses vêtements épongeant à peine le sang qui s'accumule, une marée rouge.

▬  Oh.

Oh, non. Et la peur s'immisce dans ses veines tel le poison qui l'habite, la fait suffoquer momentanément. Et c'est de ses mains tremblantes qu'elle lâche le corps de Noctis pour s'occuper du sien, pour tenter de couvrir ce qu'elle voit, mais ce qui n'est pas le plus grave, le plus pressant. Elle applique une pression vacillante, peut à peine mettre de la force, se retourne vers lui, peur palpable, pernicieuse panique.

▬  Noc, Noctis, la pression, la p—pr—press—ssion…

Non non non je meurs je meurs je. Je ne veux pas partir, je ne peux pas partir Noctis je t'en prie aide-moi, aide-moi. Sauve-moi.

Tout s'embrouille, tout se perd et se défait. Meurt-elle? Perdrait-elle soudainement tout pour une simple blessure qu'elle n'aurait pas vue? Comment être inconsciente d'une blessure telle que celle-ci? Comment être inconsciente du poison qui s'immisce dans ses veines, la rongeant de l'intérieur, détruisant doucement son organisme en entier? Comment ne pas remarquer la dague qui a été plantée dans son rein, et, qui, maintenant retirée, s'amusait à faire couler à flots son sang?

C'est un dernier regard dans sa panique qu'elle lui lance, une dernière exclamation qui ne s'entendra jamais.

Elle tombe et tout est soudainement Ténèbres.


C'est un sentiment caoutchouteux qui l'accueille dans le réveil, une couverture placée contre son corps, des bandages contre sa blessure ensanglantée, gardant la pression, le sang, cependant, ne voulant aucunement coaguler. Aisling est dans un mauvais état, pire qu'elle n'aurait pu le penser: le poison est plus puissant encore, maintenant qu'il a eu la chance de s'intégrer dans son corps en entier, la plaie toujours à vif malgré les soins apportés par les Indiens. Oh, elle se sent mal, dès son réveil: elle se sent comme si le réveil n'avait pas lieu d'être, comme si elle aurait dû continuer de dormir, encore.

Mais la douleur…

La douleur est puissante et l'accable comme nulle autre. Elle sent son abdomen brûler, son corps en entier animé de soubresauts; une sueur froide coule sur son front. Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui s'est produit? Elle ne comprend pas. Elle est trop loin, trop fatiguée, trop faible. Son esprit est brumeux, autant que cette brume qu'elle propage d'elle-même. Quelle douce ironie. Mais elle ne peut rester là et attendre de comprendre. Elle le fera d'elle-même, s'il le faut, même si elle doit endurer la douleur.

Elle l'aura déjà fait maintes fois sans se plaindre. En quoi cette fois-ci serait-elle différente? Sottises. Ce n'est pas une telle affliction, qu'importe ce qu'elle est, qui la gardera immobile, bien au contraire. Mourir était la dernière de ses options et jamais elle ne s'y résoudrait.

Ses yeux s'ouvrent, ne voient que des ombres, des ombres qu'elle sent plus qu'elle les voit; une réaction instinctive, naturelle. Elle bouge. Où est-elle? Qu'est-il arrivé? Port-Royal…?

▬  Noctis…?

Noctis. Non. Ce n'est pas lui. Ce n'est pas la même essence.

▬  Hao.

… Quoi?

La silhouette devient plus claire. Des plumes et des tatouages dans le visage – non, de la peinture – l'accueillent. Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi… Pourquoi est-elle ici?

▬  Peau blanche en mauvais état; tombée au combat contre les autres… Nous, Peaux-Rouges, ont tenté de guérir, mais Peau blanche besoin dormir. Ami parti. Quelques heures déjà.

Et ça lui revient en intervalles irréguliers. Elle revoit Noctis qui l'agrippe, qui l'apporte. Elle revoit Pan et sa bande et sa plaie, rouge, inquiétante. Aussitôt enlève-t-elle la couverture de son corps fiévreux, dans un mouvement sec, mais vacillant, ressentant à nouveau le froid lui tirailler les os, lui couper le souffle. Elle n'est pas morte. Elle aurait pu mourir, mais Noctis l'a sauvée. Il l'a sauvée. Mais où est-il? Tout est encore si flou… Mais elle ne peut rester là, non: elle doit faire quelque chose. Et alors, tenant debout par la force de son bras, une force qui  tangue et vacille, elle regarde les alentours, ne trouvant pas, cependant, ce qu'elle cherche.

▬  Mon sac…

Il est rapide à lui tendre le sac qu'elle avait apporté, et Aisling plonge la main dans une des poches, ressortant presque machinalement une de ses potions, la débouchant et prenant une gorgée, ses mouvements saccadés empêchant une certaine précision alors qu'elle referme la fiole.

Ses yeux se ferment dans la vague de souffrance qui suit, dans la blessure qui semble se calciner, brûler, se refermer alors que ses cellules se régénèrent.

Ce dont elle n'aurait pas pu s'attendre, cependant, c'est de cette douleur qui revient soudainement, lancinante, inexpiable. Son souffle se coupe, une exclamation de souffrance se stoppant dans sa gorge alors qu'elle se laisse mollement retomber contre le lit de fortune sur lequel elle est installée.

La plaie s'est rouverte. La plaie ne veut pas guérir. Et elle comprend. La prise de conscience est directe, violente.

Elle ne peut rester couchée. Non – aussitôt retombée, elle tente de se relever, les dents serrées tentant durement de contrer la douleur, de contrer ses tremblements qui se font de plus en plus violents, la sueur coulant sur son front s'intensifiant autant que sa tête qui tourne, tourne encore.

▬  Du poison. Je dois—

Mais le shaman l'arrête d'une main sur son épaule, forçant son corps à rester couché, un mouvement doux qu'elle ne peut pourtant contrer, trop, beaucoup trop faible. Combien de litres de sang avait-elle perdu?

▬  Non. Peau blanche rester. Besoin repos. Oui; poison, mais peau blanche trop faible pour sortir.

Et cette remarque a tôt fait d'insulter la Dame de Brume, qui, cependant, ne peut réagir, n'ayant plus la force de se relever.

▬  Oh, je peux très bien… très… bien. Ugh. Nooon.

Sa tête se retourne et un soupir l'anime. Elle se sent encore retomber, retomber trop loin. Non – elle doit le combattre, elle doit rester éveillée, elle doit…
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Mer 21 Oct - 14:43
Le petit garçon qui ne grandissait pas.
« Long and lost... pressure?! »


Entre mes bras, je peux sentir ses forces qui quittent son corps, sans demander leur reste. Son essence vitale s’écoule lentement, tâchant ma personne au passage et recouvrant mes vêtements de ce même liquide vermeil encore chaud. Cela ne m’a jamais dérangé, par le passé, mais jamais ce n’avait été son sang à elle. La dame de brume est désorientée, l’incompréhension est partout sur son visage, m’implorant de lui expliquer ce qui se passe. Je pourrais le faire, en toute logique, mais je ne peux pas, en vérité. Comment dit-on cela à quelqu’un qui compte? Comment peut-on déjà commencer par l’accepter? C’est bien moins simple qu’il n’y parait. La danseuse des ombres eu été une étrangère, j’aurais même été volontaire pour l’achever moi-même, mais ce n’est plus le cas depuis fort longtemps. Drôle comme les sentiments influencent, au final, notre comportement. J’opte pour la solution la plus facile et, selon bien des égards, la plus égoïste. Je choisi de l’ignorer, de la laisser perdue dans les méandres de ses interrogations, se débattant pour ne pas se noyer dans ce torrent d’informations décousues. Je dois avant tout me consacrer corps et âme à sa sauvegarde. Les détails comme de l’informer de sa situation ne viendront que plus tard, bien plus tard.

Dans ma fuite, la chance décide de nous sourire, de nous offrir une porte de sortie facile et une solution rapide à ce petit problème sanguinolent. Effectivement, c’est Pan et sa troupe de garçons perdus qui viennent à notre rencontre, s’informant du déroulement des événements. Il suffit d’un échange rapide de paroles pour qu’un plan soit mit en place, ignorant une fois de plus la voix de plus en plus faible d’Aisling. Froid, dit-elle? Non, ça va aller, je m’en occupe, me dis-je en la serrant un peu plus contre moi, si c’était seulement possible. L’inquiétude vient me vriller le cœur, s’ajoutant à toute la rancœur et à toute la rage qui gronde en mon sein. Dès que je pourrai y retourner, que je pourrai m’éclipser et que mes pas me guideront de nouveau sur le chemin de ce pirate au crochet argenté, je n’ai qu’une trop bonne idée de ce que je ferai. Plus tard, concentration, chaque chose en son temps. Mes émotions ne doivent pas influencer ma prise de décision. Tout ce qui compte, maintenant, c’est mon efficacité à gérer la situation et à faire ce qui doit être fait, pour le bien de la dame de brume. C’est peu après que la concernée comprend enfin, qu’elle voit. Mes sourcils se froncent, mon visage tiquant comme si l’on m’avait piqué. J’aurais préféré que la femme reste dans l’ignorance bénie encore quelques minutes, mais nous n’avons pas ce temps et, au final, il est encore heureux que les choses se soient déroulées ainsi. La pression, quelle pression? Mes iris d’or fondu suivent son mouvement imparfait, faible et tremblant, nullement facilité par sa position, en mes bras. Mais bien sûr, la pression, comment ai-je pu oublier quelque chose d’aussi essentiel que cela? Toutes ces années de formation, ce long séjour passé à Traverse Town, n’ai-je donc rien appris sinon comment semer le malheur partout autour de moi?

▬ Bien sûr, comment aurais-je pu oublier….

La position est loin d’être idéale, mais il me faut faire de mon mieux. Glissant de plus en plus vers l’inconscience, il est évident qu’elle ne sera pas en mesure d’appliquer cette dite pression de ses propres moyens. Il nous faut agir et rapidement. L’un de mes regards impérieux vers Pan plus tard et nous partions. Aussi fanfaron qu’il soit, le rouquin sait tout de même quand il est dans son intérêt de ne pas rester passif. C’est sans pause et sans ralentir que nous parcourons la distance nous séparant du village des peaux rouges, pressés par les événements.

*****

Je ressors du tipi, ma longue chevelure de jais tombant sur mes épaules en lambeaux de ténèbres, le regard lourd et les poings serrés. Le shaman s’affaire, mais je sais bien qu’il ne parviendra à rien, je le sens. Si je possède un sixième sens? Je n’en ai pas la moindre idée, mais le fait est que l’inaction va finir par me rendre fou et, pour être honnête, l’indien m’a peut-être lui-même indiqué le chemin de la sortie après que je me sois montré un peu trop insistant. Je plaide coupable, mais n’importe qui en aurait probablement fait de même. Ainsi chassé, mes possibilités sont toutefois très limitées, mais au final je n’en ai cure. Mes jambes avancent sans même mon consentement, elles savent très bien où je désire me rendre. L’information est le pouvoir, je le sais mieux que quiconque pour l’avoir appris et cultivé de très nombreuses années, dans une autre vie à Solaistír. C’est donc cette même philosophie que je vais mettre à profit là maintenant avant de sombrer dans la déchéance, la folie et l’impulsivité. Il me suffit de retrouver Crochet et de le faire parler, tout simplement. Lui connait probablement la composition du poison qui coule maintenant dans les veines d’Aisling, comme un serpent rampant dans l’herbe. Bien décidé, je fais route vers la sortie du village pour être aussitôt intercepté par notre guide. Il n’a pas oublié notre échange et moi non plus.

▬ Tu y vas déjà? Je croyais que l’on devait y aller ensemble, non? Ou alors tu prends la fuite!

▬ Rien de tout cela. Si tu désires me suivre, libre à toi. Dans tous les cas, ce Capitaine Crochet, sais-tu s’il possède une faiblesse?

*****

▬ Ah, monsieur Mouche! Ils sauront, à l’avenir, qu’il n’est pas bon de me prendre à la légère! À l’heure qu’il est, l’insolente doit bien regretter d’avoir osé croiser mon chemin!

▬ Tout à fait, Capitaine! Vous pouvez être certain qu’elle retiendra la leçon. Mais, tout de même, n’était-ce pas… un peu trop, enfin, un peu trop…?

▬ Mais bien sûr que non, Monsieur Mouche! C’était tout à fait--- Mouche? Mouche. Mouuuuche!

Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac.

▬ MOUUUUUCHEEEEEEEEEE!!!

De mon perchoir, la scène a quelque chose de véritablement magnifique. Le corsaire discute sur le pont, en compagnie de son second, en plein compte-rendu des dommages subits lors de notre assaut. Du haut du mat, juste au dessus de la grand voile, mon oreille est tendue, mon regard aussi impitoyable que celui du vautour. Je dois attendre avant de me montrer. Je dois laisser ma proie agoniser et souhaiter la délivrance et c’est exactement ce que je ferais. J’ai encore l’impression de pouvoir entendre les rires de Pan qui, bientôt, va sans doute me déclarer sa dévotion éternelle pour ce que je m’apprête à faire. Tout autour du navire, dans l’eau claire et bleutée de ce vaste point d’eau aux contours distants, de longues silhouettes verdâtres se dessinent en épais serpentins. Avec chacune de ces ombres vient le bruit d’une horloge, un tic tac régulier, se déversant dans toute la baie en un écho rythmé. Le capitaine n’a pas pu manquer cela et, dès que le bruit atteint ses oreilles, il saute pour une énième fois aujourd’hui. Bien. Panique, maintenant. Fais-moi plaisir.

Le résultat est largement à la hauteur de mes espérances. Courant jusqu’au garde-corps, il y agrippe sa main aux longs doigts décharnés et scrute les eaux. Tétanisé, il reste en place de longues secondes à tenter de traiter l’information. Tant de crocodiles, tous produisant ce même son caractéristique, entourant son vaisseau  tel un étau. Lorsqu’il sort finalement de son état de stupéfaction initiale, c’est vers le mat central que l’homme accourt, exactement là où je l’attends. Sans demander son reste, il entreprend l’ascension afin de s’éloigner autant que possible de mes illusions en contrebas. Le corps tremblant, ses genoux s’entrechoquant, le teint vert et les moustaches en accordéons, un spectacle qui ne m’inspire que plus de mépris et de haine. Ce n’est pas mal, mais je parie que je peux faire encore mieux. Sortant de l’ombre, c’est par surprise que j’agrippe le bandit au collet avant de le suspendre les pieds dans le vide, m’assurant d’une poigne de fer qu’il ne peut m’échapper. Lourd, mon regard d’ambre le transperce alors qu’un rictus sadique anime mes traits. Ce n’est qu’un début.

▬ Heureux de me revoir? J’ai besoin d’une information et je ne repartirai pas d’ici avant de l’avoir obtenue.

*****

Mon pas est toujours aussi déterminé, mon regard aussi sérieux. Alors que je pénètre les limites du village des peaux rouges, ma chevelure d’ébène retrouve ses teintes glacées et je fais route vers le tipi du shaman sans m’embarrasser de politesse. Je les saluerai plus tard, si cela leur tiens tant à cœur, mais j’ai mieux à faire. De Crochet, j’ai pu obtenir le reste du poison. L’homme ne possédant pas d’antidotes –que je n’aurais probablement pas fait boire à la blessée dans tous les cas, je ne fais pas confiance à la racaille de son espèce-, il m’aura fallu faire tout le chemin jusqu’à Port Royal, seul. J’avais pénétré l’antre d’Aisling, confiant que son système de classement n’avait pas du changer drastiquement au fil des années. S’en était suivit un long travail fastidieux, aidé d’un lourd manuel traitant de la question. Si longtemps, maintenant, que je n’avais pas eu à prendre part à de telles expérimentations. Toute ma concentration s’était appliquée à réveiller en moi les souvenirs de la voix de la Dame de brume, m’expliquant toutes les étapes à la création d’un contrepoison efficace. Pourtant, revenant sans cesse me harceler en boucle, c’est une toute autre réplique qui se rappelait à moi. Une fois que lesdites fleurs auront sauvé ta vie, on verra bien si tu oseras répéter ce genre de remarques. Si aucune des blessures que je pourrais subir ne me réduirait au silence, j’étais loin de me douter qu’un coup porté à autrui pouvait avoir tant de répercussions sur un autre être. Ou, à tout le moins, j’étais bien loin de me douter que cela prendrait aussi sur moi. C’était comme une onde qui partait d’elle et m’ébranlait jusque dans mes fondations, semant en moi la peur et l’angoisse, sentiments que je n’avais plus ressentis depuis des lustres. J’avais pourtant su réprimer le tremblement de mes mains et ce travail acharné avait aboutit à quelque chose, du moins l’espérais-je.

De retour au temps présent, je dégageai l’entrée de la tente pour m’y glisser, le regard toujours aussi vif et l’être nerveux. En quelques secondes, je m’étais presque lancé à son chevet, pour revenir passer une main chaude en sa chevelure enneigée. Pâle comme la mort, son corps devenait translucide, ses lèvres bleutées. Il était temps, plus une seule seconde à perdre. Si ce remède n’effectuait pas sa tâche, qui sait ce qu’il allait advenir de la Léadig den Muad et, par extension, de mon âme déjà maintes fois maudite. Glissant mon bras dans le haut de son dos, c’est de ma droite que je vins supporter sa nuque, l’aider à se redresser tout en amenant la fiole à ses lèvres, pour la forcer à boire, le tout dans un silence olympien et, je le concède, des plus inhabituels. Dans mon dos, je sens le regard soucieux du shaman qui se demande bien ce que je fais ingérer à sa patiente, mais il ne s’oppose pas. Sans doute a-t-il compris que la guérison de cette femme m’importe bien plus qu’à lui et que, quoi qu’il se trouve dans ce flacon, ce ne peut-être que bénéfique. Une fois le contenant vidé, je le dépose au sol et reporte toute mon attention vers elle, la laissant reposer dans mes bras, sans la quitter de mon regard caramel.

▬ Tout ira mieux, maintenant, Ansam. Il faut tenir juste un peu plus longtemps. Reste éveillée, parle-moi. Il faudra faire un effort, autrement je serais capable de monologuer seul jusqu’à ce que tu te remettes et nous savons tous deux à quel point c’est déplaisant. Reste avec moi, Aisling.

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Mer 21 Oct - 23:06
Le petit garçon qui ne grandissait pas;
« You saw me in new light; and I saw you. »

C'est sans dire qu'elle se rendort, son corps trop faible pour la garder éveillée. Le temps avance et ses lèvres perdent de leur pigmentation, se peignent d'une teinte bleuâtre inquiétante, ses traits s'envenimant d'une inquiétante lividité, son front fébricitant s'imprégnant de perles de sueur, son organisme en entier faiblissant sous le sang qui avait peine à se régénérer. Le Shaman avait reposé sur son corps frêle et froid la couverture en peau d'animal, espérant que la chaleur l'aiderait à ne pas mourir gelée.

Des heures interminables passent dans un silence de mort, sa personne agitée d'éveils de courte durée, de gémissements endoloris, sous les yeux inquiets du Shaman qui s'efforce à trouver maints remèdes qui s'avèrent inefficaces malgré l'aide qu'ils apportent: l'air du tipi devenant plus chaude, l'odeur d'eucalyptus aidant sa respiration difficile, d'autres herbes s'affairant à baisser, même à petite dose, sa fièvre.

Ce sont des heures acharnées et interminables qui passent ainsi avant qu'il n'annonce son retour.

Son ombre se meut, s'ajoute aux autres, danse contre les murs de la hutte, se mêle de nouveau à la sienne, inerte, mourante. Elle la sent comme si toujours elle l'avait connu, par instinct plutôt que par conscience. Sa présence tire contre sa prostration, s'acclimate à sa léthargie, met en mouvement son corps déjà abattu de frissons constants. Elle s'éveille, cherchant sa présence comme la fleur cherche les derniers rayons de l'astre solaire, ses lèvres entrouvertes soufflant les deux syllabes composant son nom.

Sa voix est une faible brise d'automne, celle qui ne bouge qu'à peine les feuilles craquelées, qui caresse les joues délicatement, inaudible. Ses lèvres bleutées n'ont qu'à peine articulé son nom, mais sa mention illumine une faible flamme dans son torse, volète doucement dans sa gorge. Elle a senti sa présence; a reconnu son essence, et ça lui va amplement.

Sa main dans ses cheveux lui semble brûlante contre son corps froid; un geste et ses paupières papillonnent difficilement; il n'a pas encore parlé. Mais il est là. Il est là.

Et elle se sent levée; une fiole se portant à ses lèvres, son contenu se vidant au fond de sa gorge, la forçant à avaler sous le risque de s'étouffer. Elle le fait, non sans plus de cérémonie, non sans se sentir attaquée. Oh, mais elle est trop faible pour réagir, trop faible pour tenter de se défaire de cette soudaine invasion. Elle comprend, instinctivement, que le contenu l'aidera à se sentir mieux et c'est sans broncher qu'elle avale le reste du liquide, malgré son goût amer, et malgré son corps en entier qui se prend de sévères convulsions alors que, graduellement, la concoction étaye ses effets dans son organisme. Faibles plaintes. Inaudibles.

L'expiration se fait presque aussi douloureuse que le mouvement; mais elle se sent déjà mieux; une sensation d'ardeur calcinant sa peau la quittant doucement, se modifiant en une chaleur invitante. Doucement, le rythme de ses inhalations se fait plus constant. Doucement, elle reprend une certaine conscience. Sa voix résonne dans ses oreilles et ses ombres s'habituent à nouveau aux siennes Reste avec moi, répète-t-il, la sommant de faire des efforts, de ne pas le laisser monologuer, de ne pas le laisser dans son inquiétude qui le ronge et l'accable. Noctis est revenu et les yeux de la Dame de Brume s'ouvrent pour tenter une nouvelle fois de s'habituer à l'atmosphère ombrageuse du tipi.

▬ La pression…

Et de sa voix faible s'extirpe un son rauque et irrégulier, quelque chose qui, en d'autres circonstances, aurait pu s'apparenter à un rire. Elle tousse, expire, son corps tanguant vers celui de Noctis, sa tête roulant contre le creux de son épaule, son regard vide cherchant le sien, mais, dans l'abîme de volutes brumeuses,  il ne croise qu'une silhouette floue, des Ténèbres qui pulsent d'une luminosité changeante.

▬ Comment as-tu pu oublier un élément aussi fondamental que la pression?

Elle peut s'entendre lui répéter ces principes à plusieurs reprises. Combien de fois l'avait-il vu procéder? Combien de fois l'avait-il aidé lorsqu'elle devait sauver la vie de leurs frères blessés au combat? La pression, Noctis. Applique de la pression sur sa plaie pendant que je prépare les feuilles. Reste avec lui un instant, parle-lui, je serai là dans quelques secondes. N'oublie pas la pression! N'aie pas peur d'appuyer…

L'antidote parcourt son organisme, pose un baume contre son corps meurtri et, tranquillement, lui redonne vie. Un nouvel afflux de frémissements l'accable, ses lèvres s'ouvrant à nouveau, laissant passer l'air difficilement.

▬ Je croyais… t'avoir mieux.

Son visage se crispe dans la plus intense des douleurs, un sifflement s'échappant de ses lèvres, de ses dents serrées, une inspiration chevrotante. Sa position met une pression désagréable contre sa plaie encore ouverte, terriblement ouverte par les effets du poison. Faible plainte, aiguë, dans un nouveau souffle, avant qu'elle ne reprenne, par l'énergie du désespoir, sa phrase.

▬ …Éduqué. Que ça.

Aisling reprend son souffle, sa tête lourde roulant de nouveau, tombant contre sa propre épaule dans un sourire crispé, une touche d'amusement paraissant sur ses traits pour une fraction de seconde. C'est d'un effort surhumain qu'elle lève son bras droit, secoué de constants frémissements, retournant son corps contre le sien en s'accrochant au bras gauche du Shadow Dancer.

▬ Ohh, Noctis.

Sa voix n'est rien de plus qu'un murmure, inaudible, ce si faible sourire quittant ses traits diaphanes alors qu'un frisson lui passe dans le corps, que ses sourcils se froncent, que sa main se crispe faiblement. Nouvelle vague de douleur.

▬ J'ai cru… J—j'ai cru que…

J'ai cru que j'allais mourir. J'ai cru que j'allais y passer, que j'allais disparaître. J'ai eu si peur de disparaître, Noctis, si tu savais à quel point j'ai eu peur. Si tu savais à quel point je suis soulagée. Si tu savais à quel point sentir ton odeur, de te sentir, toi, me berce. Reste avec moi. Ne pars pas. Je voudrais te regarder. Je veux te garder. Garde-moi. Garde-moi contre toi encore un moment. Laisse-moi me perdre dans ta chaleur—j'ai tellement froid.

▬ J'ai cru que tu ne reviendrais pas. Tu sais. Sa voix se brise soudainement, sa gorge se serre. J'ai cru que tu partirais encore.

Elle s'accroche de nouveau à lui, incapable de repousser son corps du sien, trop faible pour le regarder, pour caresser sa joue, laisser ses doigts glisser entre les filaments ivoirins de sa chevelure, laisser ses doigts s'attarder, en suspension, contre son oreille. Oh, comme elle l'aurait  voulu. Comme elle aurait voulu s'émanciper de sa torpeur, s'emparer d'une parcelle de lui, mêler ses ombres aux siennes, entrelacer ses doigts aux siens. Mais, inerte, la Dame de Brume se laisse bercer par le rythme de son cœur, son visage contre son torse, sa main glissant doucement de son bras, l'effort demandé pour la tenir en place lui paraissant gargantuesque.

Le do thoil. Ná tréig mé, Lennán.▬ Je t'en prie, ne me quitte pas, mon amour.

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Sam 24 Oct - 13:24
Le petit garçon qui ne grandissait pas.
« Let's go home... someday... »


Elle a l’air d’un cadavre. Un constat à la fois troublant, effrayant et burlesque. Sa peau me donne l’impression d’avoir été badigeonnée de craie tant elle est blanche et sa voix suppliante et faible me parait totalement déconnectée de son ton habituellement si froid et acide. De toutes les mascarades auquel il m’a été donné d’assister, celle-ci est de loin la plus grotesque. Pourtant j’y participe, j’en suis même l’un des acteurs principaux, à mon grand damne. Le metteur en scène a voulu jeter son dévolu sur moi, probablement pour mes talents d’illusionniste qui lui permettront une grande économie de temps et d’argent au niveau de la scénographie. Mais que suis-je en train de raconter? Retourne à la réalité, Noctis. L’être le plus important à être jamais entré dans ta vie se meurt dans tes bras et tout ce que tu trouves à faire, c’est tourner la situation au ridicule? Remarque, peut-être était-ce mieux ainsi, car lorsque la réalité me tombe en plein visage, mes poumons s’emplissent de plomb et deviennent soudainement lourds, tendus. Mon souffle est entravé par la tension et mes mains sont moites. Je me sens avoir peur. Je me sens prisonnier de l’inquiétude. Peut-être, au fond, n’ai-je pas envie de la perdre? Sans doute est-ce pour cela que je ne puis m’empêcher de revenir invariablement à ses côtés. Quand bien même je sais que c’est dangereux, quand bien même j’ai pourtant réussi à le faire pour Lumen, je n’arrive pas à me retirer de l’existence de la dame de brume. C’est bien pour cela que je suis encore là, agenouillé à son chevet, serrant son corps décharné et souffrant entre mes bras.

J’entends mon nom se glisser entre les effluves d’herbes médicinales, venant effleurer mon oreille comme une prière difficile. Quelque part, perdue dans ses divagations et dans son océan de douleur, ma moitié n’a cessé de guetter mon retour et, maintenant que je suis là, semble avoir le besoin de s’en assurer. Je ne puis la blâmer, moi dont l’existence n’est qu’un rêve éveillé, il est normal que l’on s’interroge sur ma véracité. C’est d’une tirade trahissant mon anxiété que je lui réponds, sans cesser de détailler ses traits creusés et malades. Son état s’est aggravé depuis mon départ, et ce à un niveau que je n’aurais même pas osé envisager. J’en viens presque à souhaiter que les événements se soient passés autrement. Si la dague avait transpercé ma chair plutôt que la sienne, les choses auraient été bien plus simples. Adepte des mixtures en tout genre, il y aurait bien longtemps que l’alchimiste m’aurait remis sur pied et, surtout, je n’aurais pas eu le besoin de voir la douleur déformer sa personne. Comme cela aurait été préférable.

Rappel à l’ordre, reproches laborieux qui me remémorent ma faute : cet oubli ridicule et inexplicable, si ce n’est qu’avec la modestie d’admettre que la peur a faussé mon jugement. Cette fois, je n’attends pas avant de retrouver le chemin de sa lésion pour la presser, accomplir ce devoir auquel j’aurais dû me dévouer bien plus tôt. Sans doute la position lui apporte-t-elle un plus grand calvaire qu’il ne le serait nécessaire, mais je sens son enveloppe charnelle qui insiste pour rester auprès de moi, comme si elle dérivait et avait besoin d’une bouée. Qu’à cela ne tienne, je serais là pour écouter ses lamentations entrecoupées d’éclats de douleur lancinante. Elle pensait m’avoir mieux éduqué que cela, termine la souffrante avec sur les lèvres l’ombre d’un sourire torturé. Répondant comme en un écho de ce sentiment, j’enfouis mon visage dans sa chevelure pour y déposer un baiser sur sa tempe, m’attardant au passage dans cette soie de cristal. Un rictus fait empire sur mes traits lorsque je lui réponds d’une voix quelque peu effacée, un murmure qui ne s’élève pas plus haut que ses propres paroles, ployant sous le tourment.

▬ Je n’ai jamais été bon élève.

À cela, c’est une faible poigne qui me rétorque en détermination floue et désespérée. Sa dextre s’agrippe à mon bras gauche et je ne fais rien pour m’en délivrer, l’aidant plutôt à trouver une position plus confortable si c’est possible, non sans m’assurer de toujours appliquer cette fameuse pression tant vitale à la dame, à ma dame. De nouveau, c’est mon prénom qui glisse de ses lèvres en suppliques difficiles. Je le sais, tu souffres. Je le sens en moi comme si cette lame nous avait perforé tous deux. Je t’en prie, cesse de prononcer mon nom avec tant de peine et de misère. Mais c’est une demande à laquelle je n’ai pas droit, n’est-ce pas? Une nouvelle convulsion la traverse, un tremblement de froid anormal, causé par la fièvre, et je ne peux que serrer les dents. Profitant de toutes ces fines craquelures dans la porcelaine qui la compose, une fuite se glisse en paroles timides, mais oh combien affligées. Aisling a eu peur que je parte. Elle a cru, pendant tout ce temps, que j’étais en train de l’abandonner et que je ne reviendrais pas sur mes pas. Comment l’en blâmer? Je l’aurais fait pour n’importe qui d’autre, alors pourquoi pas pour cette femme pathétique, dolente et pâle comme la mort? Je ne saurais le dire, car certains mystères sont mieux ainsi, hors de notre compréhension. Et il ne s’agit pas de la seule énigme à résoudre. Pourquoi cela me peine-t-il autant, qu’elle ait seulement pu l’envisager?

▬ Ais-je donc l’air d’un homme capable de déserter sa dame?

Mots soupirés, comme si je n’osais pas les soumettre à celle qui m’avait élevé comme un fils. Sans doute craignais-je la réponse et, vu son contenu, je ne m’en méfiais pas à tort. Plutôt que de m’exaucer, sa réplique me supplia de nouveau, maintenant formulée en sa langue natale, le dialecte de Solaistír. Le do thoil. Ná tréig mé, Lennán.  Mes iris se ternissent, tout sourire quitte définitivement ma bouche et mes mains serrent un peu plus l’alchimiste. Lennán? Toi qui fus blessée par ma faute, toi dont le monde n’aurait peut-être jamais été détruit si je n’y étais pas apparu, toi qui a tant souffert par mes absences et par mon impulsivité, par cette vaste toile de défauts qui me compose, comment peux-tu me murmurer de tels mots? Comment oses-tu? Tu devrais me maudire, me détester et me haïr. Tu devrais te lamenter que ce ne soit pas moi, celui qui agonise. Je ne te donne pas le droit de prononcer ces paroles. Pas le droit de les penser. Pas le droit de m’accorder autant d’amour que tu le fais. J’en fulmine presque et, si je le pouvais, je te ferais taire de mes propres mains. Ce souhait ne peut être exaucé. Je suis destiné à te quitter, moi qui t’ai fait tant souffert. Mais tu ne me laisseras pas m’évanouir dans les ténèbres, n’est-ce pas? Toujours, tu n’as de cesse de me ramener à toi. Toi qui ignores tout de la vérité. Pour l’heure, ce fardeau est mien et mien seul. Je dois redresser l’échine et le porter noblement. Une peine bien ridicule, au final, pour toutes les charges qui pèsent contre moi.

▬ Beidh mé ag fanacht ar feadh an tsaoil, Aisling. Luíonn gan imní.▬ Je resterai toute une vie, Aisling. Repose sans inquiétudes.


Combien de fois vais-je lui mentir ainsi? Combien de fois l’ai-je déjà fait? Un jour, est-ce que ces mots pourront devenir vérité? Une utopie si lointaine, mais que je ne peux m’empêcher de chérir avec toute la naïveté des enfants. Peut-être est-ce toujours ce que je suis, un gamin qui n’a jamais su se séparer de ses jouets, même en sachant très bien qu’il les a brisés et qu’il le fera de nouveau, un jour. C’est inéluctable, à mon grand regret.  La seule chose qui puisse encore nous unir, c’est une illusion, un mensonge éhonté, une fourbe manipulation. Mais que faire d’autre, lorsqu’elle m’appelle ainsi jusque des frontières de l’inconscience? J’aimerais tant retourner à Solaistír, là où la vie était simple et où je n’avais pas encore commis l’irréparable. En ce temps-là, j’avais tous les droits de me délecter de sa compagnie. J’avais tous les droits de lui murmurer à l’oreille à quel point elle m’importe. À quel point je l’aime.

▬ Retournons-y ensemble… un jour…

Une expiration distante, spectrale. Je ferme les yeux, appuyant ma joue contre le dessus de sa tête et humant le parfum de sa chevelure, teintée de fleurs et d’herbes, de thé et d’encens. Ce n’était pas tout à fait comme cela, dans mes souvenirs. Un peu plus de myrrhe peut-être, un soupçon de thym et juste une once de… qu’était-ce déjà? Oui, juste une once de mer et d’écume. Cette mer puissante et profonde dont le bruit des ressacs venait heurter la forteresse rocheuse abritant le refuge des Shadow Dancers. Une odeur saline et océanique, humide, mais toujours aussi fraîche. Les éclats du soleil qui filtrent par la grande et unique fenêtre de cette pièce où nous avons consacré tout notre temps à l’étude de la danse. Le bruit de nos pieds sur le sol, du froissement de nos habits et du rythme nébuleux, enténébré. De rêves palpables, les souvenirs se voient offrir une seconde vie, et ce n’importe où, même dans le premier tipi venu, quelque part au pays Imaginaire.
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Aisling
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Shadow Dancer

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Dim 8 Nov - 20:37
Le petit garçon qui ne grandissait pas;
« It pours from your eyes and spills from your skin. »

L'esprit flou, elle n'arrive plus à penser, plus à voir. Le nuage s'effrite et s'accumule, vapeurs en baume sur son corps, léthargie retombant alors que la douleur s'amenuise. Ne m'abandonne pas, ses paroles peinaient l'atmosphère, peignaient l'air en douloureux éclats, les couleurs du désespoir, à quelques pas du gouffre. Le sommeil la guette et l'achève, mais elle veut rester; elle veut tant rester auprès de lui, s'engouffrer dans sa présence qu'elle sait éphémère, dans ce moment passager, si court, si douloureux. Sa fragile existence vacille comme la lueur de la chandelle; sa flamme prend toutefois de l'ampleur quand ses bras la serrent contre lui à ses paroles, assouvissant sa soif de chaleur, de réconfort, de lui. Soupir douloureux s'échappant de sa gorge alors qu'il l'étreint; son corps fragile se mouvant difficilement à travers ses propres gestes, s'adaptant avec peine aux courbes de son torse contre le sien, sa blessure brûlant son être.

Oh, elle aurait tout fait pour ne pas se montrer à lui d'une telle manière. Elle aurait tout fait pour ne jamais paraître faible devant lui. N'était-ce pas là de l'orgueil? C'était plus puissant que ça. Pour si longtemps, de s'avouer faible devant lui aurait pu lu faire du mal. N'était-ce pas elle qui avait été son modèle, celle sur qui il avait dépendu lors des premières années de son arrivée à Solaistír? N'était-ce pas là seulement des fragments d'une habitude bien ancrée dans sa psyché, l'envie de ne pas le faire souffrir par sa propre souffrance, par ses propres malheurs? N'était-ce pas cette même pulsion maternelle qui l'avait poussée, lors de leurs retrouvailles, à cacher son état? Oh, évidemment; bien qu'elle ait tout fait pour dissimuler à quel point elle souffrait, à quel point sa condition s'était détériorée depuis leur départ de Solaistír, la Dame de Brume se doutait bien qu'elle ne pouvait lui cacher bien longtemps ses afflictions.

Pas plus qu'elle ne pouvait le faire maintenant. Aisling n'est plus qu'un amas de souffrance et de ressentiments; elle ne peut qu'à peine penser, poser des filtres, de la censure dans ses paroles tant son esprit s'embrume, tant ses yeux pleurent la douleur qui terrasse par violents tremblements son organisme malade.

Sa voix la berce de mots qu'elle peine à comprendre, qui viennent trop tard se heurter à sa cognition. Elle tremble encore, tremble de froid et de douleur, la fièvre, cependant, s'affairant à disparaître légèrement, abandonnant sur son front des gouttelettes salines et chaudes, en rappel de son affliction. Le mal cesse à mesure que l'antidote la pénètre, s'ensuivant le sang coagulant, permettant à son organisme de reposer de ses blessures, laissant la potion préalablement ingérée reformer doucement, lentement sa peau par ses parcelles toujours présentes dans son sang, par ses cellules se régénérant obstinément.

Aisling entend les vagues se percuter contre le rocher, en bas du village; elle entend les vagues, les vagues qui lui rappellent l'Ailleurs, et elle comprend, peut-être, inconsciemment, que Noctis se berce de réminiscences tout autant qu'elle ose le faire. Elle entend leurs pas, croit entendre sa voix, claire, chantante.

Une rapide expiration, un faible sourire prenant place sur ses lèvres reprenant leur couleur d'origine, le murmure d'un rire, d'un soupir, si bienfaitrice plénitude.

Ses yeux se referment sur le monde et hument à nouveau l'écume des jours anciens, où la brume se portait à sa fenêtre, où, au loin, contre les grandes parois rocheuses, coulaient à flots les sources de leur repaire. Le doux bruit des tissus frottant contre leurs jambes, leurs pas légers touchant à peine le sol alors qu'en tumultes s'harmonisent leurs ténèbres, gracieuses ténèbres dans le soubresaut de leurs corps, virevoltant dans la salle ronde, en suspens contre le plancher marbré de cette chambre. Elle revoit l'éclat cuivré, la réminiscence de l'orangé parcourant ses épaules dans un gracieux mouvement circulaire, ses pas menant à la fraîcheur de la brise d'été contre sa peau rosée, tachée de couleurs brunâtres.

Elle revoit l'éclat distant des reflets solaires contre la mer, le reflet du château et de la ville, l'insouciance des bals et des mascarades. Elle revoit les loups, les lions et les lièvres ornés d'arabesques gracieuses, danser dans leurs robes immaculées dont le reflet s'illumine des divers tissus dorés, bleutés, ornés des couleurs les plus vives contrastant le blanc, le Soleil guide leur pas, Grianghal leurs mouvements, berce les nuits noires où dansent les ombres.

Aisling revoit son sourire, revoit ses traits radieux, ses traits d'enfant, sa grande, trop grande curiosité, son désir d'apprendre et d'assouvir ses connaissances; ressent de nouveau sa main infantile dans la sienne, l'éclat doré sur ses yeux turquoise.

Retournons-y ensemble. Retrouvons ce que nous avons perdu.

Marchons de nouveau dans ces couloirs, ensemble, Noctis. Marchons et dansons ensemble dans ce monde qui depuis si longtemps s'est perdu dans les plus vastes des ténèbres par notre faute. Retrouvons ensemble ce que nous avons perdu, les parcelles de notre existence qui restent en suspens comme la brume. Retrouvons-nous, car nous nous sommes si longtemps égarés. Retrouvons-nous dans la danse, dans nos ombres communes s'entremêlant, nos corps s'harmonisant.

Elle s'épuise dans sa plénitude, son corps plus fort que son esprit. Elle aurait pu mourir; le sommeil est un bon compromis. Il s'occupera d'elle jusqu'à ce qu'il doive repartir encore, toujours; mais elle n'y pense pas. Elle n'y pense plus; s'épuise dans son odeur et dans sa présence, dans la fine brise chaude de son souffle dans ses cheveux épars, dans ses bras qui l'entourent et ses doigts contre sa plaie. Aisling glisse lentement, loin du tipi dans lequel ils sont, s'alanguit dans un monde plus large encore.

À mi-chemin entre le sommeil et l'éveil, elle expire de nouveau, sa voix ne s'élevant pas plus haut qu'un murmure, le bruissement des feuilles.

Cuimhn' agad…? ▬ Te souviens-tu…?


Pour toute une vie, avait-il murmuré, et ça lui convenait.
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